Sans pouvoir vraiment être considéré comme une légende du blues, Big Boy Bloater n'en est pas un inconnu pour autant. S'il a eu l'occasion de jouer pour Paul McCartney, et surtout pour Imelda May, il intervient également sur la BBC pour laquelle il a déjà interviewé des pointures telles que Robert Cray, Walter Trout ou Dan Patlansky. Il a également réalisé plusieurs albums depuis 2002, et ce nouvel opus est le quatrième en compagnie des Limits. Pour ce "Luxury Hobo", le chanteur-guitariste britannique avoue lui-même avoir traversé un épisode dépressif et utilisé plusieurs de ses nouveaux titres comme exutoires.
Cette thérapie a récemment été employée avec talent par Walter Trout pour un autre problème de santé, avec le sublime "Battle Scars" comme résultat. De son côté, Big Boy Bloater préfère utiliser une forme de dérision, donnant une ambiance globale plutôt joyeuse portée par l'utilisation de ritournelles obsédantes. Le résultat est souvent imparable, comme sur l'hyper accrocheur 'Devils Not Angels' mené par l'orgue de Dan Edwards également auteur de soli enflammés qui complètent ceux du maître des lieux. Ce dernier mène l'ensemble de sa voix rocailleuse et de sa guitare rutilante, n'hésitant pas à dégainer la slide le temps d'un 'The Devils Tail' poussiéreux à la rythmique groovy et ferroviaire, ou du léger et sautillant 'Not Cool Man'. Pourtant, malgré son talent, le leader évite la tentation de tirer à lui toute la couverture et laisse à ses partenaires suffisamment d'espace pour permettre aux titres et à la production d'être équilibrés.
Les ambiances se font également variées, et le blues reptilien d'un 'It Came Out Of The Swamp' laisse la place aux hurlements lupins de l'humoristique 'I Love You (But I Can't Stand Your Friends)'. A noter également le lent et brûlant 'I Got The Feeling Someone's Watching Me' aux sonorités mexicaines et aux paroles paranoïaques, ou un 'Luxury Hobo Blues' balançant au rythme des hanches d'une stripteaseuse tout en utilisant à nouveau une mélodie en forme de ritournelle obsédante. C'est peut-être de l'application presque systématique de cette technique que vient la principale faiblesse de cet album, les nouveaux titres finissant par chasser de la mémoire les chansons précédentes quand ce n'est pas l'attention qui se relâche.
Rien de rédhibitoire pour autant, d'autant que l'envie de relancer l'album pour réactiver les souvenirs des très bons premiers titres prend rapidement le dessus. Ce "Luxury Hobo " doit donc être pris pour ce qu'il est, à savoir un album sans prétention excessive. L'apport de bonne humeur et l'envie de taper du pied et de fredonner les refrains et mélodies permettent de passer un excellent moment en compagnie de musiciens talentueux et authentiques, et cela suffira au bonheur de nombreux amateurs du genre.