Bien que respectant les jalons d'un style musical le laissant encore trop dans l'ombre des débuts de ses compatriotes de H.E.A.T., le premier opus de Wigelius avait cependant retenu l'attention d'une partie de notre rédaction affectionnant les mélodies venues des pays scandinaves. Il faut dire que l'interprétation était impeccable, en particulier au niveau du chant accrocheur d'Anders Wigelius. Quant aux compositions, si elles manquaient d'originalité et de personnalité, elles restaient cependant de très bonne facture. Autant dire que, quatre ans après "Reinventions" (2012), et après des changements de bassiste et de label, ce "Tabula Rasa" était attendu avec l'espoir de voir les Suédois confirmer leur talent tout en affirmant leur identité.
Désormais membre de l'écurie allemande Aor Heaven après avoir quitté les Italiens de Frontiers, le quatuor a également enregistré l'arrivée du bassiste Patrik Janson (ex Platitude, The Murder Of My Sweet), ce qui n'est pas étonnant pour une formation découverte et produite par Daniel Florès. Sans parler de faire table rase, la nouvelle livraison n'en marque pas moins une belle évolution de la part de la formation des deux frères lui ayant donné son nom. L'incorporation de légères touches world et soul dès le premier titre ('Do It All Again') plonge immédiatement l'auditeur dans une ambiance aux effluves dignes de Toto. Sans révolutionner sa recette, Wigelius y glisse quelques notes pop-metal par-ci ('Long Way From Home'), groovy par-là ('Yesterday's News'), qui lui permettent de s'éloigner en douceur de l'ombre trop prégnante de H.E.A.T. qui planait sur "Reinventions".
Bien sûr, il est encore possible de penser au combo de Upplands Väsby, mais cette influence se mêle à d'autres et laisse apparaître une identité qui s'affirme. Le meilleur exemple en est peut-être le mid-tempo 'These Tears I Cry'. Classique mais rutilant, il marie les influences plus anciennes de Def Leppard ou Danger Danger, à celles plus récentes de Work Of Art ou Care Of Night (dont l'album "Connected" de 2015 a d'ailleurs été produit par les frères Wigelius... ). Le reste de cet album, s'il est varié tout en étant cohérent, suit ce fil rouge, à savoir des influences émanant clairement des années 80, mais profitant d'un son moderne et d'une approche actuelle. Il est certes impossible de ne pas rattacher Wigelius à l'école septentrionale, mais le groupe possède désormais suffisamment de personnalité pour briller au milieu des autres étoiles polaires. Que cela soit en associant des éléments acoustiques à son AOR racé ('Set Me Free', '9 Out Of 10'), en se faisant direct et accrocheur ('Time Well Wasted'), en appuyant sur l'accélérateur ('Run With Me') ou en flirtant avec la pop-rock de The Rasmus ('Love Is The Key'), le résultat est systématiquement imparable.
Confirmant le talent des Suédois, "Tabula Rasa" est également l'album de la maturité. Porté par le chant de son leader, le quatuor couvre un éventail varié d'approches de l'AOR avec une identité toujours scandinave. Le résultat global n'est pas d'une grande originalité mais fait preuve d'une identité désormais plus affirmée qui devrait lui permettre de s'imposer comme une nouvelle valeur sûre du paysage du hard mélodique septentrional.