Donnant suite à son précédent album teinté de blues, Nick Cave se livre au périlleux exercice du disque de reprises. C'est certes une façon pour l'artiste de saluer les influences qui lui ont permis de gravir les échelons, mais avec toutefois le risque que l'exercice de style soit dépourvu de toute tentative personnelle de renouveler un matériau déjà existant. Le groupe a fait appel au revenant Hugo Race, et aux ex -Birthday Party, Rowland S.Howard et Tracy Pew, tandis qu'un nouveau batteur, Thomas Wydler, fait ici sa première apparition.
Le titre ''Kicking Against The Pricks'', provenant d'une citation de la Bible, semble indiquer que le groupe souhaite miser sur l'éclectisme en convoquant pop, blues, country et folk, plutôt que de s'enfermer dans un genre même si le chemin est difficile. Hélas, malgré cette diversité, certaines reprises n'apportent rien de neuf comme la banale 'By The Time I Get To Phoenix', ou encore la pompeuse 'Running Scared'. D'un niveau supérieur, mais néanmoins anecdotiques, l'agréable 'Sleeping Annaleah' de Tom Jones où Nick Cave pousse sur sa voix de crooner, le gospel 'Jesus Met The Woman At The Well' avec ses chœurs truculents, ou encore la version syncopée de 'Black Betty' avec des chœurs envahissants donnent l'impression d'entendre des chutes de studio arrosées.
Pourtant, ce disque est capable de coups d'éclat quand il retrouve le ton de l'album précédent. La voix psychotique de Nick Cave et la guitare crochue de Blixa Bargeld renforcent le caractère macabre du texte de 'I'M Gonna Kill This Woman' de John Lee Hooker. 'Muddy Water' permet à l'album de débuter sur une touche lugubre grâce à une voix et un orgue possédés, alors que 'The Singer' se fait prenant par un riff de guitare tenace, deux titres enregistrés initialement par Johnny Cash. Les chansons qui savent s'écarter de leurs origines sont d'ailleurs les plus belles surprises, comme cette version irrévérencieuse de 'Hey Joe' avec son piano martelant et son violon virevoltant, ou encore 'The Carnival Is Over' suscitant une émotion nostalgique pour cette enfance dont les jours sont comptés.
Néanmoins, ces bons moments ne suffisent pas à sauver l'ensemble. Si ce troisième album composé de reprises révèle les racines des Mauvaises Graines et marque une volonté d'élargir leurs horizons, certains choix hasardeux en brisent la ligne directrice, écartelant "Kicking Against The Pricks" entre quelques idées créatrices et hommages maladroits.