En trois albums, Haken s'est imposé comme un incontournable de la scène metal prog, forçant le respect bien au-delà des aficionados de ce style. Autant dire que cet "Affinity" était attendu comme le Messie, et pas seulement à Barcelone. Le remplacement du bassiste n'est pas le seul changement chez les Anglais : le groupe a décidé de modifier son processus d'écriture en faisant participer chaque membre dès le début de la conception - jusque-là, Richard Henshall était pratiquement le seul compositeur. Ce choix marquera-t-il un bouleversement dans le style ?
Que les fans se rassurent, les marqueurs du style Haken sont toujours présents. Après la courte intro atmosphérique d''Affinity', le combo réaffirme ses positions avec un 'Initiate' mordant, dynamique et contrasté, où la basse du nouveau-venu Conner Green virevolte avec élégance. Les titres qui suivent montrent cependant une légère inflexion dans le ton, les Londoniens ayant choisi de s'inspirer des 80's tout en gardant leur base de metal progressif traversé de mélodies marquantes et de touches symphoniques inattendues.
Ce parti-pris crée des situations inédites et qui ne manqueront pas d'être débattues : l'utilisation de percussions électroniques ou de claviers très rétro rappelant ELP dans '1985' est-elle pertinente, certains refrains ou rythmiques évoquant Toto ou Coldplay ('Earthrise') seront-ils au goût de tout le monde, les loops electro de 'Red Giant' ne vont-elles pas froisser les oreilles des amateurs de pur progressif, etc ?
N'empêche. Dans l'éclectisme débridé qui est la marque de cet "Affinity', Haken fait une fois de plus montre d'une insolente maîtrise de genres et de sonorités extrêmement variés. Pour preuve, l'épique 'The Architect' qui, tout au long de ses 15 minutes et quelques, nous fait visiter quasiment tous les paysages du metal prog, depuis les breaks symphoniques jusqu'à l'explosion avec growls (malgré la présence en guest d'Einar Solberg, chanteur de Leprous, ce n'est pas le passage le mieux placé...). Les évolutions y sont nombreuses et imprévisibles, magnifiquement mises en place et soutenues comme d'habitude par une section rythmique d'enfer. Au plan des satisfactions, citons également un '1985' fort brillant avec une énorme ligne de basse, un 'Endless Knot' à la rythmique aux petits oignons et avec des sonorités particulièrement bien choisies, ainsi que 'Red Giant' avec sa montée résolue par un excellent passage rock et planant - comme quoi, avec Haken tout est possible.
Les seules réserves à émettre sont du côté de certains refrains faciles, à la limite du pop ('Lapse', 'Earthrise') et surtout de 'Bound by Gravity', au ton baba cool qui ne convient pas du tout à un groupe habitué au dynamisme : en 8'30, il ne se passe pas grand-chose sur ce titre qui clôt l'album sur une note décevante.
Plus débridé que ses prédécesseurs, "Affinity" reste dans une qualité que beaucoup de groupes pourraient envier. L'excellente production de Jens Bogren (Opeth, Devin Townsend, ... ) participe à la réussite de cet album foisonnant mais moins homogène que précédemment... ce que les éclectiques apprécieront !