Ceux qui estiment - à raison - que l'âge d'or du cinéma d'horreur gothique se situe en Italie, dans les années 60, ne peuvent qu'être sensibles à l'art forgé par Abysmal Grief dont l'œuvre tout entière puise ses racines dans les pellicules des maîtres Bava, Margheriti ou Ferroni. Même couleurs brumeuses, mêmes ambiances sinistres et sépulcrales.
Parmi les nombreux groupes de doom revendiquant cette influence, les Italiens sont ceux qui parviennent le mieux à capter ce feeling gothique très particulier, maintes fois copié mais jamais égalé. Chant ténébreux et claviers aux accents liturgiques omniprésents constituent les arcs-boutants de cette église où se tiennent de sombres et mystérieux rituels.
Deux ans après un "Feretri" d'excellente mémoire, "Strange Rites Of Evil" vient encore un peu plus enfoncer le clou du cercueil. Attendu comme un Graal lugubre, cette quatrième offrande épouse une architecture identique à celle de sa devancière, bâtie autour de longues plaintes qui déroulent un suaire de mélodies funèbres, s'étirent à la manière de silhouettes fantomatiques errant dans un cimetière nappé de brouillard.
Deux colossales sentinelles l'encadrent. Du haut de ses dix minutes au compteur, 'Nomen Omen' est la porte qui ouvre sur cet édifice cryptique. Le style unique d'Abysmal Grief s'y trouve admirablement résumé, entre chœurs monastiques, rythme sentencieux et orgue sinistre qui tisse de lourdes atmosphères de châteaux hantés, le tout enténébré par le chant d'outre-tombe du claviériste Labes C. Necrothytus.
A l'autre bout, 'Dressed In Black Cloaks' baigne dans les miasmes obscurs de douves humides, procession inexorable et pétrifiée qui semble vouloir pourtant s'emballer durant ses ultimes mesures en une pesante accélération toutefois vite étouffée par une mort qui peu à peu se dessine jusqu'au point final aux confins d'un ambient mortifère.
Entre ces deux monuments, quatre prières au format (un peu) plus ramassé se succèdent aux relents de magie noire, tour à tour engourdie ('Strange Rites Of Evil') ou plus heavy ('Cemetery', que déchirent les griffes d'une guitare solennelle et 'Radix Malorum'). Au milieu d'entre elles s'est glissée une idéale reprise de Bedemon, 'Child Of Darkness' que le groupe s'est appropriée, la coulant dans son creuset gothique.
Abysmal Grief continue de dominer la chapelle Doom italienne à laquelle il offre une de ses plus belles prières, avec, dans un genre plus heavy, le "Too Below And Beyond" de Black Oak, qui l'a précédé de peu.