"Light's Out" avait fait un sacré effet sur de nombreuses rédactions rock en 2012 et permis à Graveyard de gagner encore des places dans une scène stoner psychédélique actuellement chargée.
Afin d'assurer la relève après une telle réussite, le combo de Göteborg propose un opus en contre-pied. À la simple comparaison des pochettes, on comprend tout de suite ce qui oppose les deux albums : "Innocence & Decadence" se veut nettement plus optimiste et lumineux. Au point qu'une nichée de petits oiseaux frétillants vient ouvrir sur une page bucolique cette nouvelle compilation de compos psychédéliques plus-old-school-tu-meurs. Mais c'est sans compter sur les riffs gras du duo LaRocca/Nilsson ! En moins de 4 minutes, le groupe plante avec 'Magnetic Shunk' un décor authentique et ravageur. Entre la voix puissante, la rythmique groovy des refrains et le folk léger à la voix grave et posée du break, en passant par des accélérations bien senties et un solo de guitare furieux suivi d'une explosion de basse, Graveyard confirme son génie !
Nilsson déclame toujours ses textes avec la même conviction et le single 'The Apple & The Tree', à la rythmique enlevée proche d'un 'Sultans Of Swing' nous transporte à une époque où les parents de nos quatre gars portaient encore la culotte courte. Même l'enregistrement, analogique, apporte la touche finale à cette copie des 70's plus vraie que nature, forte d'une chaleur et d'une authenticité difficilement critiquable même sur CD.
Plus varié et lumineux nous le disions, "Innocence & Decadence" emprunte des chemins de traverse parfois aussi tordus et confondants que ceux de sa pochette sans pour autant nous perdre un instant. Favorisant toujours les formats courts, le blues désenchanté et nappé de sombres notes d'orgue d' 'Exit 97', la touche soul de 'Too Much Is Not Enough' qui débute pourtant dans une sorte d'indifférence bien vite corrigée par un refrain solide, une cuillerée de chœurs féminins et des soli posés au feeling unique, ou les brûlots 'Hard-Headed' et 'Never Theirs To Sell' qui semblent être les pères de bien des hits de la trempe d'un 'Born To Be Wild' et autres 'Paranoïd', le groupe n'en met pas une à côté au point que c'en est presque écœurant ! Et l'écoute des titres rappelle que mine de rien, dans ce décorum basique, ces musiciens sont plus que doués et compétents.
Et même si les influences des débuts à la Led Zep restent présentes, les ambiances distillées en son temps par The Doors émergent (le refrain de 'Cause & Defect' ne pourra que vous évoquer la nonchalance désabusée de Morrison, alors que 'Far To Close', chantée par LaRocca et jouant avec les fers de la caisse claire dans cette ambiance engluée et sédatée n'aurait pas déparé sur le premier album de ce monstre des 70's).
Parmi les meilleurs titres, nous trouvons, en plus de ce dernier qui entre tout doucement en tête pour ne plus en sortir, l'up tempo 'From A Hole In The Wall' (littéralement possédé et témoin d'une urgence rare) et 'Can't Walk Out' à la basse hypnotique. Introduit par une volée de toms issue d'une batterie d'un autre temps, ce morceau possède l'une des meilleures lignes de gratte de l'album. Et après quelques soli psychés bien sentis, le titre va prendre de la vitesse pour nous emporter définitivement dans un maelström possédé.
L'album s'achève sur une complainte guitare/voix touchante à laquelle l'auditeur ne peut résister (pourquoi en effet ne pas rester pour un dernier titre, comme semble nous supplier Nilsson avant de sombrer dans une nébuleuse de vibraphone).
Jamais trop long même s'il nous faut parfois nous réhabituer au rythme ambiancé de certains albums pondus dans la première décennie du rock'n'roll, "Innocence & Decadence" possède au final tout autant de charme que son prédécesseur, même si votre serviteur lui préférera celui-ci d'une courte longueur pour sa lumière justement, et son supplément de vie.