On savait la scène rock lyonnaise florissante, avec en tête de file Stereotypical Working Class, il faudra désormais compter avec un nouveau groupe : Young Cardinals. Très rapidement après ses débuts fin 2012, la formation va produire son premier EP "Lights Burns Despair". Alors que les discussions se font sur la base d'un deuxième EP, c'est le choix pour un album entier qui est privilégié.
En se nommant ainsi, le groupe ne fait pas référence au petit passereau nord-américain mais à un titre du groupe canadien de post-hardcore Alexisonfire. On retrouve d'ailleurs la dimension post-rock dans la musique de Young Cardinals sans la nuance hardcore puisque le chant dans "Sunset Chaser" est clair. Il faudrait plutôt aller chercher des influences dans le post-rock alternatif le plus conventionnel avec des morceaux efficaces calibrés comme des chansons et un léger appoint progressif pour consolider la finition instrumentale. Young Cardinals est une mécanique très bien huilée qui sait donner de l'intensité émotionnelle à ses compositions ('Dried Shoes', 'Strange Days') et diversifier les niveaux de puissance selon l'effet voulu. Plutôt calme et planant quand le sujet se fait introspectif ('Jupiter', 'Yellow And Black'), ou plus rapide et énergique dans des formats courts ('Blued And Broken By Strong Fingers', 'Bedtime').
Il y a du Oceansize chez les Young Cardinals dans leur capacité à faire interagir les deux guitares ('Sasha'), que les partitions jouées soient jumelles ou indépendantes, et à construire, avec plus de simplicité que les Mancuniens il faut quand même l'avouer, des morceaux qui prennent corps et gagnent en épaisseur jusqu'à des apothéoses finales ('Bedtime'). Le travail mélodique est constant tout au long du disque avec des choix accrocheurs ('The Weight Of Inertness' ou 'Blued And Broken By Strong Fingers') et des tonalités légèrement plus sophistiquées qui ne livrent pas instantanément leur miel ('Dried Shoes'). Comme beaucoup d'albums de post-rock, la première impression est monolithique, les nuances ne se laissant percevoir que petit à petit. Le très bon travail de production de Fabrice Boy (Stereotypical Working Class) façonne la cohérence du son de "Sunset Chaser", à mi-chemin entre profondeur et clarté, renforçant le rendu organique des dix morceaux.
"Sunset Chaser" est un premier album prometteur et abordable qui laisse optimiste sur l'avenir des Français. Pourtant, ce n'est pas une carrière que visent les cinq talentueux musiciens de Young Cardinals. Encore maîtres de leur destin, ils se déclarent bien plutôt mus par l'unique plaisir et la seule passion de créer ensemble une musique qu'ils aiment. Rien n'empêchera donc un supplément de prise de risque harmonique et d'audace progressive qui feraient prendre à la musique de Young Cardinals une autre dimension. Pour les amateurs du genre, "Sunset Chaser" n'est peut-être pas le post-rock alternatif le plus original et créatif qu'ils découvriront, mais ses qualités mélodiques sont réelles et provoquent une douce et séduisante addiction.