Avec la publication de leurs deux précédents albums, les Russes de The Gourishankar avaient fortement impressionné la rédaction de Music Waves, leur aptitude à produire un rock progressif on ne peut plus éclectique étant fort justement soulignée par nos chroniqueurs.
Il aura toutefois fallu attendre près d'une décennie pour que ce qui ressemble plus à un projet solo de Nomy Agranson qu'à une œuvre collective nous propose un successeur à "Second Hands". En effet, l'ancien line up a disparu au profit d'une équipe réduite à un trio, au sein de laquelle Jason Offen assure le chant de manière bien plus convaincante que son prédécesseur. S'y ajoute une liste conséquente d'invités pour compléter une musique une nouvelle fois très riche.
Après une courte introduction, 'Order and Chaos' entre dans le vif du sujet en proposant une entrée en matière pour le moins musclée, avec une profusion de claviers qui laisse entrevoir un déluge de metal symphonique… impression de courte durée puisque, fidèle à ses habitudes, Nomy Agranson saute du coq à l'âne, bringuebalant l'auditeur d'un style à l'autre, plutôt avec bonheur sur ce premier titre dont la construction se rapproche plus de l'Order que du Chaos.
On n'en dira malheureusement pas toujours autant de la suite : à trop vouloir prendre des virages successifs à 180°, The Gourishankar tombe parfois dans le piège du désordre. Autant les parties instrumentales tiennent correctement la route avec une évidente mise en avant des claviers, autant les passages chantés s'avèrent par moment insipides, faute de mélodie cohérente. Et pour couronner le tout, certains choix de production pour le moins discutables viennent ajouter à la confusion : effets sur les voix, claviers synthétiques voire même quelques parties qui n'auraient rien à envier à de la techno ('Let it Go'). Le moins que l'on puisse dire est que cette première moitié d'album s'avère quelque peu irritante à l'écoute.
La deuxième partie débute par un nouveau revirement avec 'Heartland', simple chanson typée néo-prog sur fond de rythmique marillionesque, comme une plage de transition avant le retour de l'âme de Gourishankar, celle que nous avions fortement appréciée sur les productions précédentes. Car 'Truth Stays Silent' va enfin faire décoller ce "World Unreal", avec un incroyable voyage de 12 minutes au sein du progressif symphonique. Une entame qui convie les claviers secondés par des trompettes, une partie centrale qui lorgne du côté de Stravinsky et des percussions du "Sacre du Printemps", avant une intervention au violon digne de Stéphane Grapelli. Mélangez le tout pour le final et vous obtenez sans conteste un epic passionnant qui ne demande qu'à être réécouté de multiples fois.
Sans atteindre de tels niveaux, la fin de l'album va néanmoins rester dans la même veine, avec un nouveau temps fort proposé par les deux parties de 'Pleasure and Suffering', faisant heureusement oublier les débuts poussifs et désordonnés.
Cette première moitié de "World Unreal" constitue donc un léger faux pas, heureusement contrebalancé de fort belle manière par une suite beaucoup plus en rapport avec les productions précédentes de Gourishankar. Attention toutefois à ne pas franchir la barrière ténue qui sépare le foisonnement d'idées bien arrangées et une accumulation désordonnée de thèmes et couches sonores propres à déclencher une indigestion auditive.