Three Trapped Tigers est peut-être un nom qui ne vous dit (encore) rien mais il n'est pourtant pas inconnu de tous et notamment de Brian Eno, excusez du peu, qui ne tarit pas d'éloges à son sujet. Avoir ce pionnier de la musique ambient comme admirateur aide forcément à attirer les oreilles sur soi. À raison.
Né à Londres en 2007, le trio fabrique un rock instrumental auquel de nombreuses étiquettes sont accolées : electro, noise rock, math rock, autant d'appellations qui révèlent toutes les nuances d'un art aussi planant qu'hypnotique. Trois EP référentiels et un premier long, "Route One Or Die" en 2011 ont coulé sous les ponts, discographie encore en devenir que vient enfin enrichir "Silent Earthling" après cinq ans de silence, un long tunnel durant lequel le groupe a écumé les scènes qu'il a partagées aussi bien avec The Dillinger Escape Plan que The Deftones. Cette expérience acquise a nourri une écriture qui a gagné en maturité, en épaisseur et dont le résultat est cette seconde offrande, idéale porte d'entrée d'un univers dans les bras duquel il est aisé de tomber.
Fortement addictive, la partition tissée par Three Trapped Tigers charme les sens dès ses premières mesures, maillage à la fois dense et aérien de sonorités synthétiques que soulignent des percussions massives ('Kraken'). C'est généreux et curatif, grouillant d'effluves qui se répandent à la manière d'ondes syncopées. Extrêmement dynamique, cette trame réussit à ne jamais ennuyer grâce à la force de ses mélodies et de ses arrangements qui bourgeonnent de toutes parts.
À aucun moment, l'absence de chant ne se remarque ni se regrette. Le groupe n'a nul besoin de cet artifice pour envoûter, comme il le fait avec brio avec des perles telles que 'Silent Earthling' ou 'Strebek'. Parfois très lourd mais toujours émotionnel voire presque intim(ist)e, l'album balaie un vaste panel de teintes et de traits qui lui confère une belle richesse. Le menu balance entre canevas léger aux confins de la synthwave ('Engrams') et boucles obsédantes ('Hemisphere') sans jamais étouffer une énergie imparable qui se déhanche en une myriade de sons qui confine à la transe, ce qu'illustrent aussi bien 'Tekkers' que 'Rainbow Road'.
D'une approche et d'une accroche toujours très rock et vigoureuses, l'electro ambient que tricotent ces Anglais est à découvrir d'urgence car elle fait souffler un vent de fraîcheur sur le genre.