Nick Cave est au bout du rouleau. Les ambiances ténébreuses de son précédent album n'étaient que peu éloignées d'un quotidien méprisable composé d'alcool et de dope. Au lieu de poursuivre sa course accélérée en direction du mur, notre rockeur australien a un réflexe de survie : cure de désintoxication et départ pour le pays de sa nouvelle fiancée : le Brésil ! C'est entre Sao Paulo et Berlin que Nick Cave et ses Mauvaises Graines (sans Roland Wolf qui co-signe pourtant une chanson) ont décidé d'enregistrer l'album ''The Good Son'', qui a pris de court les trois-quarts de ses fans.
Le Brésil a de toute évidence permis à Nick Cave de retrouver foi en lui, comme le prouve ce 'Foi Na Cruz'. Débutant sur un air de guitare acoustique, le refrain en portugais surgit et apporte d'entrée une émotion poignante à travers une métaphore un peu sentencieuse (les rachats de nos péchés par le Christ). Cet album va permettre au groupe d'aligner des hymnes fédérateurs où le piano de Nick Cave et le vibraphone de Mick Harvey occupent chacun une place centrale. Les paroles sont plus directes, comme si après la destruction, une fondation solide devait être reconstituée. L'agréable ballade 'The Ship Song' constitue une synthèse parfaite d'où émerge un refrain sincère sur l'amour. Le dosage entre catharsis et lyrisme sous l'assise d'un vibraphone font de 'The Hammer Song' le sommet de l'œuvre tandis que 'The Good Son' pèche en tombant dans la redite.
Si l'on écarte la rythmée négro-spiritual 'The Witness Song' un peu trop énergique, la plupart des chansons ont été écrites à l'encre de la mélancolie. 'The Weeping Song', duo entre la voix rocailleuse de Blixa Bargeld et celle plus implorante de Nick Cave se construit en questions-réponses entre un père et son fils (la formule est presque reprise sur 'Sorrow's Child', mais cette fois le guitariste se contente du refrain). 'Lament' vous fera monter les larmes tandis que 'Lucy' qui rappelle le Lou Reed de ''Berlin'' permet de clore l'album sur une grande bouffée d'air pur après l'averse.
A l'écoute de cet album, on peut se rassurer sur la santé mentale de notre crooner australien. Paradoxalement, les fans lui en voudront de ne plus être angoissé (comme s'il fallait se mettre dans des états pitoyables pour accoucher de productions douloureuses). Quoi qu'il en soit, Nick Cave And The Bad Seeds se sont surpassés en ajoutant au désespoir de ''Tender Prey'' une œuvre certes triste mais lumineuse et apaisée. Le bon fils s'est fait pardonner.