Dans les années 70, Trettioåriga Kriget, aux cotés de Kaipa, avait ouvert le chemin au rock progressif suédois qui ne connaîtra son heure de gloire que deux décennies plus tard avec Anglagård, The Flower Kings ou Beardfish. Séparé en 1981, puis reformé en 2004, le groupe a depuis publié trois albums qui souffrent de la comparaison avec ceux des années 70. Cinq ans après leur dernier opus, les Suédois nous proposent une promenade en mer, en hommage à leur ville natale, Saltsjöbaden, au sud-est de Stockholm.
Après plusieurs écoutes, un auditeur distrait pourrait penser avoir affaire à un jeune groupe amateur de rock progressif. Comme à son habitude, Trettioåriga Kriget a sorti le kit du parfait musicien prog, avec des flûtes (´The Photograph´), des mellotrons (´Snow´, ´Behold The Pilot´), des ambiances éthérées et pastorales (´Billy´) et quelques soli de guitares agrémentés de pédale wah-wah. Le groupe a délaissé le chant en suédois qui faisait son charme, ce qui a pour double conséquence de tourner le dos au progressif au profit de l´immédiateté pop mais aussi d'apporter un rendu terne par la voix de son chanteur, alourdissant la mélodie sur ´Billy´ ou´Snow´ et peinant à confirmer sur les refrains de la piste inaugurale. Mais ce grief n´est pas imputable qu'à Robert Zima. Les compositions manquent de relief, prenant des chemins mid-tempo, avec quelques rares averses, ce qui est certes une signature du groupe, mais offre un rendu plutôt mitigé. Le morceau final, ´Behold The Pilot´ avec ses huit minutes, souffre de son manque de rayonnement, et le choix de le placer en conclusion s´avère malheureux.
Pour autant, si sur certaines chansons le groupe semble évoluer en troisième division, des moments fulgurants le placent parmi les cadors du rock progressif. Les ambiances feutrées et légèrement inquiétantes de ´Snow´ en fin de course ou la paisible introduction de ´The Photograph´ sont remarquables. Mais c´est avec le sublime ´Dreaming of Vermeer´ que le groupe grave une composition éternelle. Les arpèges de guitare acoustique y flamboient à la manière d´un ´Horizons´ de Genesis avant que la voix ne prenne le relais et ne manque de rompre le charme.
Ce nouvel album entièrement en anglais ne restera pas dans les annales. Le groupe semble recommencer à zéro, sans pour autant renier son héritage, mais échouant cruellement à modifier sa trajectoire. On pourrait l'accuser d´avoir voulu s´asseoir sur plusieurs chaises musicales, mais à vouloir courser plusieurs sièges, le vétéran finit les quatre fers en l´air. Si l´ensemble se laisse écouter, il passera tout à fait comme anecdotique, à l´exception d´une ou deux pistes.