Kristoffer
Gildenlöw est un artiste qui se laisse le temps pour mûrir
ses œuvres. En effet, à part quelques participations ici ou là, le
Suédois n'avait rien sorti de conséquent depuis son premier album
solo en 2012. C'est dans la continuité de ce dernier que nous arrive "The Rain", à l'aube d'un printemps qui peine à s'installer.
Ce
deuxième album laisse la part belle au piano, aux cordes et aux
voix. Gildenlöw n'est pas allé chercher loin pour trouver Fredrik
Hermansson, claviériste historique de
Pain Of Salvation
(jusqu'en 2011). Il s'est également entouré de Lars Erik
Asp (Gazpacho)
à la batterie et de divers musiciens (cordes, accordéons, guitare
électrique) et vocalistes hollandais. Toutefois il assure une bonne
partie des instruments lui-même, ce qui confère à cet album
intimiste un caractère éminemment personnel. Son sujet, difficile
s'il en est, concerne la maladie d'Alzheimer et toutes les affres liées
à la démence et à l'effondrement cognitif qui en découle. La
tonalité assumée est propice à l'introspection et c'est sur le
registre de l'émotion et de la douceur que s'égrènent les mélopées
délicates et subtiles de "The Rain".
L'album
s'ouvre sur 'After The Rain, pt II' (on cherche pour l'instant la
partie I) qui glisse délicatement dans un spleen cotonneux dont on
ne se départira jamais vraiment. Les violons et violoncelles
s'insèrent dans la pluie pour s'ouvrir sur la voix envoûtante de
Kristoffer
Gildenlöw qui use
de diverses intonations évoquant la confidence et la rage
contenue, un peu comme s'il nous chuchotait un certain mal-être à
l'oreille, avec la plus grande délicatesse possible. C'est le titre le
plus électrique de l'album dans le sens où les délicats solos
succèdent aux chorus charmants. Il n'est pas si éloigné de
Pain Of Salvation dans
l'esprit mais également dans la voix qui a parfois des accents de
son ainé Daniel.
L'album se déroule ensuite en enchaînant les
enchevêtrements vocaux et instrumentaux sur un fond sonore toujours
mélancolique. 'Holding On, pt I' égrène des arpèges sans fin au
piano, des cordes langoureuses et des voix quasiment à l'unisson
(féminine et masculine) avec ce décalage ténu qui renforce
l'humanité du propos.
Certains
arrangements et quelques mélodies rappelleront For
All We Know,
comme sur 'Seeking The Sun, pt I' qui bénéficie en outre d'une
jolie chorale ou encore sur le simpliste mais très beau 'Worthy'.
Toutefois, ce n'est qu'à de rares moments que la sensibilité
générale se laisse gagner par une relative effervescence explosive.
C'est le cas de 'See It All' et sa mélodie entêtante, de
l'instrumental 'Perphereal Memory', de l'électrique et tribal bluesy
'Drizzle', du final de 'She' ou encore du magnifique 'In The Evening'
- et c'est à peu près tout pour les 16 titres proposés. C'est
peut-être le seul petit défaut de l'album, bien que ce soit un
parti-pris artistiquement assumé et donc admirable. En effet, la
rage contenue semble vouloir exploser par moments mais le Suédois
reste sur une certaine retenue qui peut être un peu frustrante.
Un
très joli album que ce "The Rain", tout en douceur, en
mélodies délicates et souvent dotées d'une hargne très intérieure
et peut-être un peu trop retenue. Cependant, il ne faut pas bouder
son plaisir, et se laisser submerger par toutes ces émotions
communicatives dont on peut dire qu'elles font à la fois mal et
terriblement du bien.