Nous avions été très impressionnés par le premier album d'Astrakhan, "Retrospective", qui se plaçait dans une mouvance prônant le retour à un rock progressif vintage dans le sillage d'un Opeth à partir de "Heritage". Notre impatience à entendre cette suite est récompensée par l'arrivée du second album des Suédois : "Adrenaline Kiss".
Dès les premières secondes de 'Hear Me Now' on retrouve cette synthèse de puissance et de finesse ainsi que les sonorités de "Retrospective" qui nous avaient profondément marqués. Astrakhan conserve et affine sa signature qui consiste à composer dans un esprit très heavy classique des années 70 en empruntant une approche progressive faite de subtiles variations thématiques. De ce point de vue "Adrenaline Kiss" est dans la continuité du très bon "Retrospective" avec une tonalité globalement moins sombre.
Partant de l'ossature traditionnelle du rock basée sur un riff qui propulse le morceau et une combinaison couplet-refrain portée par une mélodie forte, Astrakhan greffe une multitude d'agréments harmoniques donnant toute leur saveur et leur densité aux compositions. Les Suédois s'y emploient à l'occasion d'introductions intimistes (le cotonneux 'Silver Dreams', le tendu 'Alive', le tranquille et acoustique 'One More Day' et le classieux 'Stockholm') ou de passages instrumentaux intermédiaires comme la séquence latin jazz de l'entraînant 'Wisdom Of Mass Destruction', le psychédélique 'Gravity' ou la respiration orientale avec sitar et flûte de la puissante 'Adrenaline Kiss'. C'est à l'issue de ces intermèdes qu'Astrakhan appuie les effets d'intensité avec des montées toujours très réussies (le chaotique 'Wisdom Of Mass Destruction', le très contrasté 'Alive' et l'apothéose de 'Stockholm').
Si pour "Retrospective" les frères Schelander avaient la mainmise sur la portée, pour "Adrenaline Kiss" l'écriture a été plus collégiale. Des claviers analogiques de Jörgen, amenant aux textures chaleur et amplitude, à la section rythmique aussi à l'aise dans l'énergie, le groove que le velours, en passant par le toucher plein de feeling de Marcus, on retrouve cette même unité de groupe dans les prestations. Alex est peut-être le musicien le plus impressionnant avec ses interprétations pleines de justesse et son engagement total quel que soit le format. C'est dans les ambiances les plus intenses qu'il se fait le plus déchirant d'émotion comme dans 'Silver Dreams', 'Alive' qui rappelle le Pain Of Salvation de "Road Salt" mais surtout dans l'immense 'One More Day' et son cœur solennel.
Avec son hard-rock vintage et progressif, Astrakhan évite les écueils de complexité et de technicité excessive qui guette certains groupes de metal progressif moderne. La grande fluidité des constructions rend l'immersion dans "Adrenaline Kiss" très aisée et son écoute particulièrement addictive. Si on met de côté la sèche et psychédélique 'Ballade De Rhodes', qui reste en retrait par rapport aux autres titres, ce second album des Suédois est une grande réussite qui confirme et sublime les qualités de "Retrospective". Astrakhan forge son statut de groupe qui compte et continue son ascension vers les sommets. Au moment de l'écriture de ces lignes le groupe enregistre l'arrivée de Johan Hallgren (ex.Pain Of Salvation) en lieu et place de Marcus Jidell, parti retrouver le non moins excellent groupe Soen, et a commencé la composition de son troisième album. L'attente va être longue.