Après avoir enfanté avec "Battles In The North" un des mètres étalons du black metal, Immortal est alors plus que jamais attendu au moment de lui offrir un successeur. Contre toute attente, "Blizzard Beasts", publié deux ans plus tard, toujours sur le label français Osmose Productions, est pourtant considéré, autant par le public que par ses créateurs eux-mêmes, comme le plus faible de leurs méfaits.
A sa décharge, force est de reconnaître que venir après des albums de la trempe de "Pure Holocaust" et "Battles In The North" justement, se révèle particulièrement difficile, position délicate s'il en est, car sujet à des comparaisons qui ne sont pas, à première vue, en la faveur du dernier rejeton. A tort néanmoins, car cette quatrième offrande non dépourvue de qualités ne doit pas être négligée et mérite de fait d'être réévaluée à sa juste valeur, œuvre charnière au sein de la carrière des Norvégiens.
A cela, plusieurs raisons. Sur un plan humain, il marque à la fois l'arrivée de Horgh derrière les fûts, poste qu'il occupe d'ailleurs toujours vingt ans plus tard dans ce qu'il reste d'Immortal aujourd'hui, et l'éloignement progressif de Demonaz qu'une tendinite va contraindre à se retirer, incapable d'assurer sur scène ses parties de guitares tandis qu'il doit partager avec Simon Dancaster (plus tard responsable des paroles du premier essai de Abbath sous son propre nom) la paternité de textes dont la sève froidement mythologique reste indissociable de l'univers des Norvégiens.
En terme de son, s'il puise, plus que ses devanciers, dans des influences death metal à la Morbid Angel chères au trio, "Blizzard Beasts" amorce paradoxalement un virage plus atmosphérique voire mélodique et surtout d'une lenteur inhabituelle, annonçant en cela les modelés épiques quoique toujours aussi glacials que sculpteront "At The Heart Of Winter" et ses successeurs. Les excellents 'Nebular Ravens Winter' qui porte les pesantes morsures d'un froid polaire et plus encore 'Mountains Of Might', seul titre franchissant la barre des cinq minutes, qu'ouvre une entame aux claviers d'une emphase lugubre avant de galoper à travers de ténébreux reliefs, constituent une manière d'ébauche des longs périples gelés à venir.
Le reste du menu s'articule autour de titres très courts dont la plupart sont crachés avec une rapidité fielleuse, perforations qui telles l'éponyme 'Blizzard Beasts', 'Suns That Sank Below' ou 'Battlefields' que cisaillent de nombreux breaks, ne s'encombrent ni de préliminaires ni de vaseline.
Mais d'où viennent les grumeaux alors ? Comment expliquer l'échec, plus critique que commercial, de cet opus ? Sa trop courte durée - moins d'une demi-heure - et une fin de parcours qui s'essouffle (déjà), théâtre des peu notables 'Noctambulant' et 'Winter Of The Ages', ne sont pas étrangères à cet accueil plus frileux. N'occultons pas enfin une prise de son, encore une fois indigne d'un groupe aussi ambitieux qu'Immortal, production qui ne rend pas justice à une écriture certes moins mémorable que sur les disques passés mais toutefois à l'origine de quelques bonnes compositions.
Coincé entre des débuts mythiques et un tournant vers une musique plus épique, "Blizzard Beasts" fait office de pivot dans la discographie du groupe et pour cela, s'il en a alors déçu plus d'un, ne demande qu'à être redécouvert.