Frost* est un groupe qui peut se vanter d’avoir semé la zizanie au sein de la communauté prog de Music Waves, tant chez les chroniqueurs que les lecteurs, lors de la sortie de ses deux précédents albums, "Milliontown" (2006) et "Experiments in Mass Appeal" (2008). Avant-gardiste et doté d’une production dantesque pour les uns, pop gentillette ou production lourdingue pour les autres, les nombreuses notes s’échelonnent de un à cinq, preuve que le groupe ne laisse pas indifférent. Et ce n’est certainement pas "Falling Satellites" qui va réconcilier tout le monde !

Huit ans séparent ce nouvel opus de son prédécesseur. L’âme du groupe, Jem Godfrey, très pris par ses activités professionnelles, a dû temporairement mettre son projet en hibernation. Jem Godfrey, c’est un peu Dr Jekyll et Mr Hyde, le producteur de hits pop pris de passion pour le rock progressif depuis sa tendre enfance, fan de Genesis, et qui décide de monter un groupe pour faire du progressif "moderne". Du progressif qui progresse en quelque sorte. L’intention est louable.

Si, du groupe d’origine, seul John Mitchell (Arena, Kino, It Bites) demeure aux côtés du leader, la section rythmique étant totalement renouvelée, le style musical reste, lui, fidèle à celui adopté dès le début de l’aventure, bâti sur un progressif très dynamique, parfois même trop, dominé par des claviers lui donnant son caractère symphonique et doté d’une section rythmique mixée à son avantage au point de flirter parfois avec du drum & bass (‘Closer to the Sun’). On retrouve toutes les qualités, et tous les défauts, déjà pointés sur les deux albums précédents : des mélodies complexes et travaillées non dénuées de charme, une énergie parfois brouillonne, des partis-pris de production (voix déformées, atmosphères saturées, samples nombreux) et une grande dextérité de la part de chaque musicien.

Alors certes, cet album est parfois un peu trop en force et en vitesse, certes, les voix presque toujours trafiquées finissent par lasser, certes, la densité des compositions en devient parfois touffue. Mais il difficile d’enlever au groupe son charisme, sa présence, sa virtuosité. Il est impossible d’ignorer ses qualités mélodiques (le morsien ‘Towerblock’, ‘Lights Out’ et son joli duo mixte, l’accrocheur ‘Heartstrings’, le contrasté ‘The Raging Against The Dying Of The Light Blues’, le somptueux ‘Nice Day For It’, l’intimiste ‘Last Day’) ni ses nombreux morceaux de bravoure aux claviers et à la guitare (Joe Satriani himself venant prêter main forte à John Mitchell).

A une époque où de trop nombreux groupes s’autoproclament d’obédience progressive, se contentant en fait d’étirer sur de trop longues minutes de banales chansons, Frost* tient son pari de délivrer un progressif au sang neuf, moderne et inspiré, auquel il ne manque, et c’est là son principal défaut, qu’un peu de supplément d’âme. Car aussi charismatique soit-elle, la musique n’atteint que rarement une dimension émotionnelle. Frost* ressemble souvent à du Neal Morse et à ses projets satellites, Spock’s Beard, Transatlantic, Flying Colors, ou encore au Genesis de la dernière période, les frissons en moins. Néanmoins bien au-dessus de la moyenne !