S'il a tout d'abord pris son temps lorsqu'il s'appelait encore Godwatt Redemption, ne gravant qu'un seul album durant ses premières années d'activité, Godwatt ne s'arrête plus depuis 2012. Il raccourcit alors son nom et se met à vidanger des rondelles à un rythme soutenu, soit une par an en comptant l'EP "Catrame" ! Malgré cette diarrhée créatrice, courante il y a quarante ans mais un peu plus rare aujourd'hui, le groupe demeure trop peu connu. "L'Ultimo Sole", son cru 2016, nous offre donc l'occasion de faire plus ample connaissance avec ce trio italien.
Le riff gras, la peau tannée par le soleil, il prêche la bonne parole d'un stoner doom velu façon rouleau-compresseur, qui sent bon le désert américain mais auquel le chant dans la langue maternelle de ses géniteurs confère un pigment à la fois lumineux et pourtant crépusculaire. Jamais avare en effets fuzzy aux relents de pipe à eau ('Nostro Veleno'), le groupe distille avant tout et avec une louable largesse son quota de plomb.
Guitare et basse sculptées dans la roche creusent de profondes crevasses que borde une batterie titanesque ('Condannata'). La voix hargneuse du dénommé Iommi (ça ne s'invente pas !), ou Moris Fosco pour l'état civil, plante le dernier clou dans ce bois robuste. Bref, si les Italiens nous assomment, ce n'est pas par la fumette mais au contraire par le mur de lourdeur qu'ils érigent avec la puissance de vieux briscards. Plus méchamment doom que gentiment stoner, Godwatt affole le compteur Geiger, pour le plus grand plaisir des amateurs de sons rugueux qui sentent sous les bras.
Aux côtés de quelques cartouches plus tendues bien que tout aussi pesantes, telles que 'Venus' ou 'Scheletro', et à l'exception de la pause instrumentale 'Cenere' qui baigne dans une ambiance de western spaghetti, ce cinquième opus fait la part belle aux longues excavations tutoyant parfois de peu les dix minutes au jus, qui voit le power-trio forer un sol rocailleux chauffé au soleil, sans jamais sacrifier ni son énergie explosive ni sa mélancolie sourde, comme en témoignent ce 'Memoria' du feu de dieu dont la lente décélération finale procure des frissons, ou bien encore l'éponyme 'L'Ultimo Sole' sillonné de lignes de guitare belles comme un chat qui dort.
Vous l'aurez compris, cet album est une bonne tranche de stoner façon bûcheron et sans doute ce que Godwatt a enfanté de mieux depuis ses débuts.