Elvaron était en son temps le fer de lance du metal progressif à la française. Dès ses premières armes il fut pressenti par les aficionados comme un rival potentiel face aux mastodontes du genre. Music Waves avait été emballé par ces premières œuvres : "The Five Shires" qui fut une belle surprise, "The Buried Crown" de très bonne qualité, ou "Gravitation Control System" qui tranchait avec l'univers médiéval fantastique, en lorgnant vers une science-fiction impitoyable. Le groupe, mené par son guitariste Mathieu Morand, propose une musique certes complexe, mais jamais compliquée, technique sans être rebutante, son style presque direct le rapprochant de Vanden Plas et Fates Warning.
Nous étions nombreux à espérer avec force un retour de la formation, parfois perdus patience à l'attente d'une offrande voire cru un temps le groupe perdu corps et âmes dans les limbes sonores... L'attente a donc été longue, c'est dire si la joie fut grande à l'annonce de la sortie du nouvel opus "Ghost Of A Blood Tie".
Heureusement, la qualité de la production est impressionnante, le groupe enrobant sa musique d'un écrin de velours classieux, les musiciens sont également au meilleur de leur forme sur des parties instrumentales. Dès lors, même si cette nouvelle mouture intègre des influences plus actuelles, elle ne s'éloigne jamais trop de structures carrées balisées, identités de la formation.
L'introduction à la rythmique carrée et aux riffs groovy est portée par un accordéon (!). La voix gronde comme une folle, confirmant ainsi Mathieu Morand au rang de chanteur burné à l'organe puissant et crasseux - entre un Joe Cocker woodstokien sous stéroïdes et un Calvin Russell rocailleux, saturé de cigarillos bon marché. Après quelques étapes dans une veine heavy-metal progressif, 'Run Away in Fight' varie le tempo, propose de nombreuses syncopes, puis 'Distant Shores' allège le propos, car sur fond de piano cristallin dépouillé, Mathieu délivre une performance solitaire bluffante où il joue avec la tendresse et le velours de sa voix.
Enfin l'ultime 'The Man Who Wears My Face' synthétise ces éléments en une piste dans la lignée de Symphony X (on imagine facilement le parallèle avec Michael Romeo, notamment lors des soli enlevés et dissonants ou des duels entre claviers et guitare). Cette dernière étape démultiplie les variations, les interventions solitaires de guitare, ainsi que les couleurs vocales pour finir en une apothéose vibratoire.
Néanmoins, "Ghost Of A Blood Tie" est une semi-déception, le groupe semblant jouer la sécurité sur cet opus en faisant une musique dans la continuité de leurs productions passées. Dès lors, même si tout est extrêmement bien joué, rempli de professionnalisme et produit avec un impressionnant sens de l'efficacité, on regrettera qu'il ne sorte pas des sentiers battus ou des structures carrées.
Toutefois, Elvaron a une place bien particulière dans nos cœurs en tant que représentant du metal hexagonal. L'album est ainsi à découvrir rapidement, car il signe ce retour en force tant attendu et nous comble avec cette dose de puissance, d'efficacité et de technicité longtemps espérée.