Et pour commencer, une petite devinette : je suis un groupe de metal electroprogressif du nom de Cartoon Theory et je viens juste de faire paraître un album dénommé "Planet Geisha", avec un (rare) chant anglophone. D’où viens-je ? (on n’emploie pas assez cette interrogation, ça sonne bien …)
Réponse : de Limoges, France, naturellement ! Au départ conçu par Maxime Lathière (claviers et programmations diverses) et Juan Carlos Briceño Sanchez AKA Breeze (guitares), le duo s’est entouré de musiciens invités, notamment de l’excellent Travis Orbin à la batterie.
Côté climat, "Planet Geisha" arrive à concilier un certain côté zen extrême-oriental par l’emploi de claviers éthérés et une atmosphère plutôt inquiétante liée à l’utilisation de sonorités pas mal trafiquées. Quasiment entièrement instrumental, mis à part l’intermède 'Hanamachi', le style dans son dynamisme et ses variations fait beaucoup penser aux Polonais d’Osada Vida. Plutôt que de rester confiné dans une exposition classique thème/refrain/pont musical, évitant soigneusement le piège du solo à rallonge (sauf à la fin de 'Sacred Geometry), les Limougeauds font dériver des séquences à caractère plutôt atmosphérique, ce qui entraîne une immersion assez efficace.
Cartoon Theory a su tirer parti de sa formation atypique. La plupart des lignes de basse sont tenues aux claviers, en accords, ce qui est un petit facteur limitant pour la section rythmique. Qu’importe, nous avons ici un batteur phénoménal qui va facilement remplir ce relatif vide : le jeu de Travis Robin est d’une précision et d’une complexité ahurissantes, les sceptiques pourront pour s’en convaincre jeter un œil sur la vidéo jointe en dessous de cette chronique : grosse caisse syncopée, festival de ghost notes à la caisse claire, recherche dans le jeu de cymbales, du grand art. Pour ajouter du relief aux compositions, Cartoon Theory s’appuie également sur un énorme travail de programmation des sons : les guitares soigneusement distordues dans 'Hypnotic Nova’s Dance' donnent un arrière-plan limite dissonant qui est assez captivant, et tout au long de la suite 'Planet Geisha', les astuces de programmations sont très en phase avec la montée progressive d’une ambiance de plus en plus inquiétante qui finit dans un climat de dévastation bien suggéré.
Bien que d’un accès pas tout à fait évident du fait du caractère presque totalement instrumental et par les moyens atypiques employés, "Planet Geisha" mérite bien une écoute. Il y a sans doute des points perfectibles - la densité des arrangements demanderait une production plus claire, la présence d’une basse plus mélodique serait probablement un plus à rechercher -, mais ce premier opus est pour le moins intéressant.