En quelques années, le nouveau média qu'est internet a pris une place prépondérante dans la promotion artistique. Comme de nombreux groupes, Polyphia est de ceux qui ont investi massivement cet outil révolutionnaire qui leur a apporté la notoriété, l'audience cumulée de ses vidéos postées sur le net se chiffrant en millions. Cette jeune formation fondée en 2010 est active dans la diffusion comme dans la création puisqu'elle a déjà réalisé plusieurs EP et un "Muse" en 2015, avant ce second album qui nous intéresse aujourd'hui.

Depuis 2010 on peut dire que le cheminement de Polyphia n'a pas été rectiligne. Sur "Resurrect", leur premier EP de 2011, la tendance est très technique et particulièrement dense rythmiquement avec un chant death posé sur un metal progressif djent assez débridé. Dans "Inspire" et "Muse", les Américains vont abandonner le chant pour sonner exclusivement instrumental, dans un style moins virtuose et avec une part conséquente d'effets électroniques. "Renaissance" est une étape encore différente avec des percussions programmées ou triggées ('Symmetry') qui prennent une place aussi importante que la batterie acoustique ('Crush'), fortifiant l'orientation electro et hybride ('Florence') du son de Polyphia.

Le trio de musiciens a toujours évoqué un panel d'influences allant de Periphery aux figures d'autorités de la guitare virtuose, mais aussi une forte affinité pour la pop et les musiques dites urbaines. Avec "Renaissance", Polyphia fait ressortir ses préférences pour la pop, et parfois le funk ('Crush'), dans la construction de morceaux qui s'apparentent à des chansons ('Amour') et par le choix de mélodies facilement assimilables ('Light'). La modalité metal progressif disparaît quasi totalement au profit d'un groove à la forte plasticité, qui tient plus de la fusion que du djent ('Culture Shock', 'Ivory'), servi par une basse très expressive ('Nightmare').

Timothy Henson et Scott LePage forment un solide duo de guitaristes complémentaires dont les contributions sont aussi pertinentes à l'unisson que guidées par leurs partitions solistes. La maturité qu'ils dégagent dans la composition, l'équilibre entre les arrangements d'ambiances et les parties de guitare ('Paradise', 'Crush'), et l'intelligence à adapter leurs sons et touchers aux thématiques abordées ('Storm'), sont assez étonnants. Depuis les premiers enregistrements du groupe, leur approche de l'instrument a radicalement évolué vers plus de sensibilité ('Bittersweet') et de musicalité (les harmonies orientales de 'Nightmare'), laissant la technique être un moyen d'expression et non une finalité.

"Renaissance" est un album de guitare instrumentale très cohérent, peut-être un peu trop unitaire dans la variété, dont les formats courts et les accroches mélodiques font, qu'une fois immergé, il est difficile de s'en arracher. A cet égard, rendons hommage à la production qui offre une restitution limpide et moderne très plaisante de la musique de Polyphia. En quelques années, le trio a su faire progresser sa musique pour ne pas s'enfermer dans un style. Et par son esprit d'innovation, il a montré qu'il possédait les clés pour s'adapter à toutes les tendances tout en respectant un héritage dont ils n'envisagent pas de faire totalement table rase. Une partie de la réponse à la question de la relève aux grandes signatures historiques de guitare rock virtuose est probablement incarnée par cette très jeune formation qui amène un souffle nouveau et frais sur le genre.