On peut toujours faire confiance à Svart Records pour dénicher des groupes au talent inversement proportionnel à leur maigre pedigree. À sa décharge, il faut bien avouer que le précieux label n'a pas à tamiser bien loin pour débusquer des perles rares tant la Finlande, où il est basé, semble être particulièrement fertile en excellentes découvertes.
Dernière en date (en attendant de prochaines trouvailles), Malady, quintet venu d'Helsinki, livre aujourd'hui une exploration éponyme d'une maîtrise aussi effrontée que tranquille. Comme son compatriote et compagnon d'écurie Sammal, cette jeune pousse née en 2010 trempe ses racines dans une longue tradition progressive quoique encore (trop) largement méconnue en dehors du pays des mille lacs, incarnée par des formations telles que Wigwam, Magyar ou Tasavallan Presidentti.
Véritable bond dans le temps, quarante ans en arrière (au bas mot), cet album redonne vie à cette patine unique et chaleureuse typique de cette époque bénie pour le plus grand bonheur de nos cages à miel. Légère et soyeuse, à aucun moment l'écoute n'est appuyée, coulant comme l'eau d'une rivière paisible et rares sont les moments où les traits se durcissent, où le tempo s'accélère (tout est relatif), à l'exception du très beau 'Aarnivalkea' qu'enjambe en son milieu un brusque pont du feu de dieu.
Une ambiance feutrée, presque bucolique, imprègne ces six échappées propices à quelque rêverie, déambulation intimiste à travers une sente plantée d'arbres mystérieux. Guitare tour à tour pointilliste et stratosphérique gorgée d'un feeling pastoral, basse toute en rondeurs généreuses, percussions d'une efficace sobriété et orgue Hammond volubile sont les délicats pinceaux servant à peindre ces tableaux qui prennent souvent leur temps pour s'étirer, déroulant un tapis de mélodies enchanteresses drapées dans le voile cristallin d'une beauté automnale. Une flûte champêtre et des paroles déclamées en finnois complètent une douce palette à laquelle elles confèrent une couleur très particulière, empreinte d'une poésie charmante.
Se souvenant que la durée idéale d'un album reste celle d'un vinyle, seul format sous lequel est publié le disque, Malady propose un menu court d'une quarantaine de minutes, où quatre longues pièces se succèdent, flanquées de deux petites respirations acoustiques belles comme un chat qui dort. Entièrement instrumental, 'Pieniin Saariin' baigne dans le climat vaporeux d'un psychédélisme onirique que tresse une partition tout d'abord dynamique, emportée par une fièvre jubilatoire, plus posée par la suite. 'Kantaa Taakan Maa', amorce orgasmique aux multiples envolées où la guitare s'exprime avec jouissance lors d'un feu d'artifice final et 'Unessakävelijä', flânerie noyée sous des effluves boisées, achèvent de faire de cet album une découverte indispensable.