C'est toujours avec un décalage que Toundra vient à nous. Un split avec Hands Of Fatima en 2008, une œuvre originelle gravée la même année mais découverte un an plus tard et enfin cette seconde offrande sobrement et logiquement intitulée "II" et dont il a fallu que Denovali l'édite en vinyle pour que nous la goûtions enfin. Un train de retard donc, des plus étonnants lorsque l'on sait que Toundra se niche juste sur l'autre versant des Pyrénées - mais le plus fâcheux aurait été de passer à côté.
Alors que, et nonobstant une personnalité encore en gestation, l'album éponyme nous avait déjà fait forte impression, réussissant à tirer - souvent - son épingle du carcan post rock/doom instrumental dans lequel ses auteurs ont posé leurs valises, son successeur fait plus que transformer l'essai. En l'espace de deux ans, la musique des Espagnols a mûri, affirmant peu à peu une identité bien réelle à chercher peut-être dans cette dimension géographique qui se lit jusque dans le nom du groupe.
De 'Zanzibar' à 'Danubio', cette deuxième offrande a été évidemment conçue comme un voyage à travers la planète, chaque titre épousant les couleurs et les ambiances du lieu dont il porte le nom en un panel de teintes solaires parfois, d'une douce mélancolie toujours. Durant à peine plus d'une quarantaine de minutes, l'opus gagne en puissance autant qu'en intensité au fur et à mesure d'une progression orgasmique.
Précédé d'une mise en bouche aux volutes orientales vite oubliée ('Tchod'), 'Magreb', du haut de ses 10 minutes, ouvre le périple d'une manière tout d'abord classique, se contentant d'arpenter la terre d'un post-rock façon Russian Circles et Pelican. Pourtant très vite, les Espagnols brouillent les pistes. Toujours dynamique et d'une fluidité de touches superbes, le titre est traversé par de multiples forces, tour à tour atmosphériques ou plus sombres, avant de s'achever en beauté, en une élévation progressive presque cataclysmique.
Toundra est un maître de la montée en puissance, de l'éruption flamboyante et fiévreuse, comme l'illustrent les démentiels 'Zanzibar', composition plus ramassée que perfore une batterie terrestre et tavelée de lignes de guitare dégorgeant d'émotion et plus encore 'Danubio' dont on sent tout du long venir l'explosion que le groupe repousse jusqu'aux ultimes mesures ultra heavy du feu de dieu. N'oublions pas non plus 'Bizentio', terminale pulsation belle à pleurer, pilotée par une guitare délicate. La seconde partie qu'accompagne un violon déchirant, atteint un Everest de beauté avant de brusquement céder la place à un break ravageur d'une force émotionnelle immense.
On se doutait que Toundra avait le potentiel pour aller égaler ses propres références. Mais avec "II", il fait même mieux que cela : il les dépasse ! Un chef-d'oeuvre. Pourquoi pas ?