L'Italie regorge de combos nourris aux grains généreux des années 70, que le label Jolly Rogers, de Witchwood à Sacrilege, a le bon goût de soutenir. Graal figure donc parmi ces formations venues de la péninsule, nostalgiques voire franchement anachroniques, qui s'inspirent du passé pour bâtir un rock intemporel.
Comme son nom le laisse deviner, "Chapter IV" constitue la quatrième incursion du groupe, depuis 2005 sur les terres d'un Deep Purple aux couleurs (néo) prog. Certains se pinceront sans doute le nez à l'écoute de cette partition d'un autre temps où une guitare aussi aiguisée que mélodique copule avec des claviers qui bavent de partout et un chant chaleureux humide de feeling.
Il faut pourtant être sourd ou d'une incorrigible mauvaise foi pour ne pas reconnaître l'effrontée maîtrise de ces Italiens qui pendant près d'une heure galopent avec bonne humeur et virtuosité, sans jamais tomber en panne sèche, au point de vouloir trop en faire, trop en dire. De fait, l'album, s'il s'enfile avec aisance et fluidité, paraît presque trop riche, brassant nombre d'influences qui peuvent lui donner l'air de partir dans plusieurs directions à la fois mais lui ouvrent également de nombreuses portes et lui assurent une vaste audience.
Ainsi, chacun y trouvera matière à picorer, entre le chant très soul à la Glenn Hughes de Andrea Ciccomartino sur un 'Stronger' aux évidentes teintes pourpre profond, la flûte champêtre surgissant lors la douce amorce 'Little Song' qu'irriguent de délicats arpèges, les synthés très progressifs d'un 'Revenge' à la rythmique néanmoins appuyée, l'orgue liturgique en guise d'introduction de 'Last Hold' ou ces soli à la Ritchie Blackmore lors d'un très purplelien (encore une fois) 'Lesser Man'.
Le quintet peut alterner hard rock épais (le formidable 'Pich Up All The Faults') et envolée instrumentale ('The Day That Never Ended', 'Northern Cliff') avec la même déconcertante facilité sans pour autant s'égarer ou perdre une cohérence toujours de mise. L'émotion n'est pas non plus absente d'un 'Poetry Of A Silent Men', respiration squelettique qui démontre si besoin en était encore que le groupe se révèle à son aise dans tous les registres sans aucune fausse note.
A la confluence de l'école Deep Purple / Rainbow pour ces duels guitare/claviers ainsi que ce chant haut perché et la scène progressive des années 80 pour ce lyrisme grandiloquent, Graal témoigne d'une éclatante maturité qui lui permet de signer son effort le plus solide.