Entamée il y a trois ans avec "Darkness In A Different Light", la seconde vie de Fates Warning n'a pas franchement convaincu la critique ni les fans. Les envolées progressives et le heavy inventif des années 80 a laissé la place à un heavy metal trop classique pour soulever les foules. Mais Jim Matheos compte bien redorer le blason du groupe avec un douzième album intitulé "Theories Of Flight" en ce printemps 2016.
Rien de mieux pour s'en faire une idée que de passer ce nouvel opus au révélateur de la platine. Et le début interpelle d'entrée avec l'intro calme de 'From The Rooftops' sur laquelle Ray Alder rappelle à tous que la douce chaleur de sa voix est envoûtante. Cette introduction aurait pu faire l'objet d'un morceau séparé tant la liaison avec la suite du titre est abrupte et dénuée de tout travail d'enchaînement, mais qu'importe, car ce qui suit est tout simplement superbe. Le titre s'envole sous la frappe chirurgicale de Bobby Jarzombek, les riffs acérés et variés, la puissance vocale de Alder et un sublime solo virevoltant de Matheos. Une bonne claque.
Si d'autres titres sont plus classiques, ils n'en demeurent pas moins plaisants et efficaces. Ainsi, 'Seven Stars' et 'White Flag', sous leurs atours heavy traditionnels affichent des mélodies immédiates qui trottent en tête longtemps après l'écoute. De leur côté, 'SOS' et 'Like Stars Our Eyes Have Seen' intègrent des éléments caractéristiques du metal progressif actuel avec des riffs syncopés typiques des nouvelles générations auxquelles Matheos lance un signal clair de son retour au premier plan. Les arrangements subtils de l'instrumental éponyme qui clôt l'album en douceur et en émotion sont l'expression du retour à une écriture libre et inspirée.
Mention spéciale aux deux titres épiques particulièrement représentatifs du regain de créativité du groupe, 'The Ghosts Of Home' aux longs développements harmonieux et son break de clavier aérien qui rappelle astucieusement la période O.S.I. de Jim Matheos. Sur le même type de construction, 'The Light And Shade Of Things' propose également des digressions progressives passionnantes qui se révèleront au fil des écoutes et sur lesquelles Alder, Matheos et tous les autres sont à l'unisson, donnant une impression d'équilibre parfait entre émotion, rage, puissance et mélodie.
La prouesse de Jim Matheos et sa bande est d'avoir réussi à intégrer des éléments modernes, comme des riffs plus actuels, au sein d'une écriture très typée metal prog classique des années 90 à la Dream Theater ou... à la Fates Warning - n'oublions pas d'où vient ce courant aujourd'hui majeur dans la sphère métallique, et quelle place le groupe y occupait alors. Ray Alder est également pour beaucoup dans la réussite de l'album. Sa performance globale est sans commune mesure avec sa prestation mitigée sur le dernier album de Redemption et la richesse des compositions l'aide grandement à tirer le meilleur de lui-même.
Fates Warning nous offre donc une renaissance étonnante et, pour tout dire, inattendue. Certes, ce "Theories Of Flight" ne ré-invente rien, ce qui l'empêche d'ailleurs de briguer la note maximale, mais remet les choses à leur place. Dans une certaine tradition de metal prog à l'ancienne, Fates Warning fait du Fates Warning, et ça faisait longtemps que ce n'était plus arrivé. Le résultat est un album cohérent et abouti. Il procure un plaisir d'écoute immédiat puisqu'il regorge de titres équilibrés entre passages alambiqués mais accessibles, riffs puissants et mélodies directes, capables de ravir les anciens fans du groupe et tous les amoureux du metal progressif, toutes époques confondues. Une renaissance en forme de réussite à ne pas manquer et qui pourrait bien figurer parmi les surprises de 2016. Rendez-vous à l'heure des comptes en fin d'exercice.