Steve Hackett aime le live, et n’en finit plus de revisiter la Genèse, comme en témoignent les deux "Genesis Revisited Live" de 2013 et 2014. Avec ce "Total Experience Live in Liverpool", Steve réalise un rêve de gosse, produire en public des compositions issues de toutes ses périodes musicales, et dans un lieu chargé d’histoire musicale (Liverpool, ville des Beatles, un mythe !).
Ce concert est l’occasion de retourner dans une salle où Steve avait joué avec Genesis. Mais "Total Experience Live" n’est pas qu’un retour aux sources : pour satisfaire l’ensemble de ses fans, le Maître de la guitare parcourt tout son répertoire depuis 1971 jusqu'à nos jours, en un set composé de deux parties : la première partie "solo" pioche (seulement) dans ses quatre premiers albums et dans son dernier, "Wolflight" (avec six morceaux) ; la seconde picore dans la légende, de 'Get’em out by Friday' à 'The Lamb Lies Down on Broadway'.
Près de trois heures de show, au milieu d’une équipe éprouvée - en fait, quasiment le même line-up que celui qui a tourné dans les deux albums live précédents : Gary O'Toole (Chant / Batterie), Nad Sylvan (Chant), Rob Townsend (Batterie / Sax, Flûte), Roger King (Claviers, déjà présent sur le "Live Archive 05" , onze ans déjà !)… plus deux invités, le p’tit frère John pour un titre avec flûte et Amanda Lehmann (guitare, voix) pour la touche de charme.
Le cadre du concert est à la hauteur du projet : les éclairages sont superbes, et les prises de vue, réalisées avec de multiples caméras, permettent de profiter au maximum de la performance, avec un montage millimétré. Les musiciens assurent une prestation très solide : Gary O’Toole, en plus de livrer une prestation de batteur remarquable, se débrouille très bien au chant, Roger King se permet de reprendre le solo de 'Firth Of Fifth', solo que Tony Banks lui-même ne voulait pas produire en live de peur de se tromper, Rob Townsend passe avec décontraction du sax à la flûte et les invités ne sont pas en reste. L’édition de luxe se présente sous forme d’un pack 2 CD + 2 DVD, avec une version BluRay , et peut également se trouver sous une version double CD.
Line-up de rêve, set list de rêve et salle de rêve, le show s’annonce sous les meilleurs auspices. Pourtant le ressenti global du DVD est en-dessous des espérances. Le fait que les musiciens en présence soient peu démonstratifs y est pour beaucoup, surtout de la part de Steve, tellement concentré sur son instrument… Son regard ne va quasiment jamais vers le public, son attitude est toute en retenue : inexpressive.
Certes, techniquement, c’est parfait, en revanche, ceux qui attendent d'un tel témoignage une certaine transmission des émotions peuvent passer leur chemin… Le jugement peut paraître sévère concernant un artiste qui a tant apporté au jeu de guitare, mais l’impression prédominante est que Steve maîtrise à la perfection le moindre effet qu’il sort de son instrument, mais sans arriver à faire passer le frisson qu’un Andy Latimer ou un John Mitchell parviennent à procurer. Ces guitaristes diversifient peut-être moins leur jeu mais arrivent par un prodige inexplicable à transmettre une émotion qui paraît gommée ici. Tout paraît trop propre, trop lisse, trop sans surprise… Et enfin, il y a cette distance entre le groupe et le public, qui comme ses héros d'un soir est d’ailleurs très peu communicatif.
Ajoutons à cela que les autres musiciens - à part Rob Townsend - sont statiques comme des piquets… Il est certes difficile de demander à un batteur d’arpenter la scène de long en large, Gary o’Toole est très bien, mais la qualité première de Roine Stolt n’est pas d'être expansif, et Roger King est très pro… mais ne respire pas l'enthousiasme.
Bref, la prestation globale est nickel, mais tellement ennuyeuse ! Nous sommes loin de l’émotion que chacun est en droit de rechercher dans un concert. Par ailleurs, Nad Sylvan, dont la voix "passe" très bien sur le répertoire de Genesis, est un bien piètre comédien, usant de poses convenues ou surjouées : moyen pour un frontman !
"Total Live Experience" est un bel objet, qui reste un excellent best-of de la carrière de Steve. Mais le manque de chaleur, de communion, se fait cruellement sentir sur la version filmée. Un défaut qui doit considérablement s’atténuer sur la version CD, où transparaîtra mieux l’excellence de la prestation technique des musiciens.