Fin des années 70 : avec leurs rêve d'anarchie et de nouvelle rose, les punks ont rapidement déchanté et une vague froide a fait voler en morceaux le mur de leur révolte. ​Killing Joke​, ​Joy Division ​ou encore ​The Cure ​ont symbolisé une période musicale romantique à fleur de sang : la cold wave ! Rythmes lancinants souvent basés sur une boîte à rythmes, guitare lugubre, chanteur possédé, textes manquant cruellement d'optimisme, bienvenue dans un monde refroidi et délétère. La France a aussitôt suivi le pas (funèbre de surcroît), mais sans le même succès (​Complot Bronswick​, les Lillois de ​Guerre Froide, End Of Data) à l'exception des Rennais ​Marquis De Sade​ ou ​Trisomie 21​. C'est de cet héritage que se réclame East, un groupe lyonnais qui après plusieurs EP sort aujourd'hui son premier album véritable.

Une écoute distraite de l'album peut nous faire croire que nous avons pris une machine à remonter le temps et que nous avons affaire à un pionnier anglais de la cold wave. Tous les ingrédients référencés plus haut sont présents. L'ironique 'Happy New Year' nous écrase de lourdeur, les assauts de la section rythmique et des synthétiseurs, et la voix lointaine et profonde nous invitent à penser que l'année sera longue et guillerette. Plus subtil, et plus proche de ​The Cure​, 'Robert Milk' se révèle parangon du son cold wave et comme 'Far Away Away Away' où le batteur semble de glace, les chansons évitent les pièges de l'exercice de style. Avec un clavier lumineux​, 'Ice Lake' apporte un peu de réconfort dans ce monde halluciné. Enfin, bien malin celui qui pourra identifier un accent français prononcé, à l'exception bien entendu de la piste 'Tes Hanches', chantée in french, qui pourra diviser les auditeurs selon que l'on apprécie l'ironie du texte ou que l'on trouve son humour déplacé.

Malheureusement, à vouloir trop bien faire, le groupe finit par devenir excessif, l'élève modèle se contentant parfois de recracher sa copie. 'Yes Yes Yes' placée en seconde position s'avère anecdotique et 'Seaside Road', malgré son rouleau-compresseur, est trop proche de son modèle 'Butcher' de ​Killing Joke.​ De plus, son remix final n'a guère d'intérêt (à l'exception de servir de badge dans un cabaret hanté).

Malgré son nom, ​East​ ne vient pas raviver la flamme du groupe ​East Of Eden​, mais cueillir, non sans un certain masochisme, les fleurs du mal de la cold wave. L'album aurait mérité moins de longueur, et surtout parfois plus de distance avec ses pairs, pour digérer ces biscuits des ténèbres.