Nous avions laissé Il Balletto Di Bronzo avec "Sirio 2222", un album influencé par le hard rock, mais manquant de cohérence. Financièrement échaudés, le chanteur-guitariste et le bassiste s'étaient fait la belle. Les deux survivants, le batteur Gianchi Stringa et le guitariste Lino Ajello décidèrent de poursuivre coûte que coûte en engageant Vito Manzari à la basse et surtout Gianni Leone aux claviers et au chant. Ce dernier a fait partie de Città Frontale, la première mouture d'Osanna, et à peine arrivé, il a mis au point avec Lino Ajello un album concept : "Ys".
Le concept de l'album s'inspire d'une légende celte dans laquelle la prospère ville d'Ys est engloutie par les flots. L'auditeur n'est pas ménagé et son cauchemar débute in medias res avec une mélopée de sirènes relayée par un orgue menaçant. 'Introduzione' est une série de vignettes surnaturelles dans lesquelles les claviers protéiformes se taillent la part de Poseïdon, entraînant les autres instruments dans leur sillage, planifiant des ambiances lugubres ou d'autres plus proches de la folie. Si cette suprématie des claviers est indiscutable, la guitare, la basse et la batterie se font l'écho des ambiances glauques. Sur l'embouchure de cette piste fleuve figure une longue montée en puissance suggérant l'imminence de la catastrophe. Gianni Leone a une voix très peu puissante et qui semble éloignée des canons du progressif italien, mais parfaitement adaptée aux ambiances schizophrènes, il déclame et crie plus qu'il ne chante pour renforcer la théâtralité de son concept.
Après cette première piste qui définit le son de l'album, le groupe ne se noie pas dans la médiocrité. 'Primo Incontro' entretient la folie ambiante avant qu'un clavecin n'apporte un réconfort ou suggère au contraire une folie plus apaisée. 'Secondo Incontro', sous les attaques de la guitare puis d'un solo de basse tétanisant poursuivi par des chœurs fantômes, entretient un climat sinistre. Le synthétiseur se fait plus schizoïde sur 'Terzo Incontro', à l'image de la voix de Gianni Leone, qu'on imagine facilement résonnant dans les rues de l'Arkham d'H.P. Lovecraft. L'album s'achève avec un second déluge qui démarre comme une fugue façon Goblin pour aboutir à de nouveaux tableaux inquiétants, dominés par la triade d'un piano hanté, d'une guitare acérée et de voix de sirènes mourantes. La réédition propose un bonus qui prouve que même dans un format pop, le potentiel du groupe paraissait infini.
Avec ''Ys'', l'horreur ne connaît pas la crise et l'écoute de cet album vous donnera sans cesse l'impression de fuir des lieux qui reviendront inlassablement hanter vos cauchemars. Hélas, Il Balletto Di Bronzo fera naufrage après ce chef-d'œuvre, ratant des opportunités de contrat en Angleterre. Le groupe ne reviendra sur le devant de la scène qu'en 1999 avec un live, ''Trys''. Un album maudit !