Sans point faible et pétri de qualités, "One For Sorrow" (2011) péchait cependant par manque d'originalité et ressemblait plus à une tentative de capitalisation sur le succès de la formule trouvée à l'occasion de "Across The Dark" (2009). Autant dire que la reprise du thème des oiseaux sur une pochette ressemblant d'assez près à celle de son prédécesseur, n'est pas sans provoquer quelques inquiétudes à l'heure de découvrir le nouveau venu intitulé "Shadows Of A Dying Sun". Nous noterons cependant l'arrivée de Markus Vanhala (Omnium Gatherum) en lieu et place de Vinne Vänni. Le nouveau guitariste a amené dans ses bagages le producteur Teemu Aalto qui œuvrait sur "Beyond", opus d'OG sorti en 2013.
Difficile de savoir quelle aura été l'influence réelle de ces deux arrivées sur le nouvel album, mais le résultat final est d'une réussite bluffante. Car là où "One For Sorrow" sentait le pilotage automatique, "Shadows Of A Dying Sun" laisse apparaitre un Insomnium audacieux et capable de prises de risques calculées. Le sentiment de redite a disparu et cède la place à un ensemble aussi cohérent que varié, servi par une formation sûre de ses forces, et renforcé par une production claire et puissante. Le quintet de Carélie du Nord ne révolutionne pas sa formule à proprement parler, mais il y incorpore suffisamment d'éléments pour la renouveler et s'éloigner un peu de l'ombre prégnante de Swallow The Sun qui planait sur lui jusque-là. Le style du groupe ainsi que la présence de Aleksi Munter aux claviers en tant qu'invité, font toujours penser au combo de Jyväskylä, mais Insomnium offre enfin une œuvre plus personnelle.
Mariant douceur mélancolique et férocité, voire colère, souvent au sein des mêmes titres, les Finlandais apportent une touche de complexité parfaitement dosée pour ne pas trop désorienter leur fan-base. Sur presque huit minutes, 'The River' traduit parfaitement cette évolution, alternant les ambiances calmes et les passages s'appuyant sur de redoutables blast-beat. Épique, le voyage sur ce cours d'eau se révèle tourmenté et captivant à la fois, tout comme sur l'ensemble de l'album. Pièces s'étirant sur la longueur et titres plus directs se côtoient pour autant d'ambiances envoûtantes ou percutantes. L'ensemble reste cohérent dans une beauté hypnotisante d'un gris foncé et blafard. La fresque de 'Black Heart Rebellion' déverse sa rage où 'The Promethean Song' s'élève au-delà de la thermosphère. 'Lose To Night' psalmodie son refrain telle une procession triste et martiale, alors que le titre éponyme vient conclure l'ensemble sur une montée en puissance toute en maîtrise. 'While We Sleep' enchaîne les changements de tempi tandis que 'Collapsing Words' tranche dans le vif sans sommation. Pourtant l'ensemble reste homogène et garde l'attention captive de bout en bout.
Alors que l'on ne l'attendait plus, Insomnium offre ici sa meilleure offrande discographique. Sans causer aucun traumatisme, le quintet réussit enfin à s'extraire des ombres trop présentes de formations telles que Swallow The Sun, et affirme enfin une personnalité qu'il aurait été dommage de continuer à garder cachée. Il reste à souhaiter que le prochain opus vienne confirmer la démarche pour valider l'accession du groupe sur les sommets enneigés du genre.