Depuis sa formation, Acyl n'a eu de cesse de nous raconter ses racines au travers d'un world-metal aux influences arabisantes. A l’instar d'Orphaned Land qui nous conte les légendes venues de la terre d'Israël, la formation nous dépeint les vents brûlants, le sable qui danse dans l'air surchauffé et cingle les visages burinés par des chaleurs écrasantes. La musique est gavée d’ondulations emplies du folklore issue de son Algérie natale. Dans une veine de métissage interculturel, "Aftermath" repousse encore plus loin la frontière du metal, jusqu’à en faire un genre presque nouveau au long de dix pistes aux sonorités arides et chaudes.
Le groupe pioche dans des bases metal, même si ces dernières semblent plus diluées que précédemment au milieu d'instruments folkloriques. Il semble vouloir surpasser les limites d'un genre qui peut paraître parfois étroit et étriqué, en fusionnant la lourdeur du death, les vocaux graisseux dignes de Dark Tranquility, et les instruments traditionnels qui, parfaitement intégrés, arrivent à sonner presque plus metal que les bonnes vieilles guitares. Tout cela rappelle inévitablement Orphaned Land ou encore leurs voisins d’Arkan, avec des guitares pleines de fougue et de puissance, une voix à la fois emplie de fragilité, de puissance lumineuse et d’ampleur, à son aise aussi bien sur du chant clair (quelle que soit la langue choisie) que dans des registres venus d'outre-tombe.
'Numidia' débute le voyage avec une rythmique sur laquelle on peut aisément imaginer une belle demoiselle entamant une sensuelle danse du ventre, puis le rythme se fait plus âpre quand les guitares vrombissent. Les voix sont plurielles, à la fois imposantes dans un registre clair et lyriques dans une veine très metal prog', ou écrasantes de puissance dans une version éraillée, puis un intermède folklorique laisse la place à la guitare qui s'exprime sur une belle partition en sweeping, fin, lisse et de belle qualité. Cette déferlante de puissance passée, nous voici invités par une introduction acoustique à déguster l'étape suivante ('Mercurial'). Toutefois cette relative douceur n'est qu'un trompe-l’œil qui cache une déferlante de violence menée par une voix grondante. Les autres pistes proposent des variations sur le même modèle, en alternant avec une certaine aisance les signatures rythmiques et les ambiances variées mais toujours travaillées avec application et finesse, et soutenues par des voix parcourant une multitude d'expressions. Seul 'Equanimity' sort du lot, car totalement exempt d'instruments électriques, il est comme une ode à ce pays gorgé de soleil.
"Aftermath" est un très bel album aux couleurs irisées des matins algériens, aux senteurs pleines d'huile l'olive, d'épices chaudes et d'essences précieuses aux effluves douceâtres. Le groupe réussit la prouesse non seulement de combiner des instruments traditionnels et des instruments metal, mais aussi de proposer un chant qui emprunte une multitude de styles, de tours et de détours, pour charmer l'auditeur par une variété de timbres, d'ambiances et de sentiments. Ainsi au sein de métriques metal, nous goûtons des touches de chant en arabe, des nappes d'instruments acoustiques venus de contrées baignées de sable fin. L'album est donc fortement recommandé à tous les amateurs de musique brutale, de sonorités nouvelles et de mélanges quasiment antinomiques. Ce disque nous fait vivre un voyage sur les dunes balayées par un vent brûlant, sans jamais sortir de chez nous, un voyage immobile, tellement beau et dépaysant...