On ne peut évoquer Germ sans parler de Tim Yatras, son seul et unique membre, mercenaire ayant prêté ses talents pluriels à tout ce que l'Australie compte de hordes noires, de Nazxul à Pestilential Shadows, pour n'en citer que deux parmi les plus fameuses. Chanteur, guitariste ou batteur, ce stakhanoviste est toujours là pour filer un coup de main aux copains, au sein d'une chapelle où tous les musiciens finissent par se croiser, et dont la taille réduite n'a d'égale que la valeur.
Nous sommes nombreux à vénérer celui que l'on a longtemps connu sous le sobriquet de Sorrow pour son travail sous la bannière dépressive de Austere. Même si la paternité de ce dernier groupe revenait à son comparse Desolate, nous avions tous regretté que ce projet soit trop tôt sabordé (après seulement cinq années d'existence) et jamais remplacé. En 2012, soit deux ans après que le duo ait décidé de mettre un terme à leur collaboration, la naissance de Germ nous a alors laissé croire que son successeur était enfin arrivé. Las, ni "Wish" (2012) ni "Grief" (2013), les deux premiers essais de l'Australien en solitaire, n'ont vraiment réussi à nous convaincre totalement.
Alors que nous espérions trouver les héritiers de "Withering Illusions And Desolation" et "Lay Like Old Ashes", et leur engeance suicidaire, c'est un art noir, certes toujours aussi mélancolique, mais plus mélodique, sinon sirupeux, que négatif, qui s'est déversé à leur place. En cherchant à exploiter cette veine shoegaze à laquelle Alcest a donné ses lettres de noblesse, Yatras donnait l'impression d'avoir perdu une part de son identité, voire de son talent, quand bien même cette doublette est loin d'être honteuse. Nous en attendions plus et autre chose, voilà tout.
Or, contre toute attente, "Escape", qui voit la nuit après un silence long de trois années, surprend agréablement. Non pas que Germ ait renoncé ni à cette expression désenchantée à la mode ni à ses influences, mais une forme de noblesse jusqu'alors inédite enrobe ces compositions étirées qui trouvent cette fois-ci le ton juste, entre beauté désespérée et noirceur éthérée, témoin ce 'Closer' que voilent des nappes de claviers délicates.
Renouant avec une sève créatrice chargée d'une douloureuse contrition, le maître des lieux appose sa griffe, reconnaissable dès l'éponyme 'Escape', entame aux allures de synthèse. Voix qui perce la brume et hurle comme si demain ne devait plus exister, riffs obsédants qui suintent une inexorable tristesse et tapis électronique évanescent définissent une écriture soignée qui marque de son sceau un ensemble empreint d'une misérable gravité.
Germ a trouvé son chemin, balisé sans aucun doute mais plus inspiré que sur les deux disques précédents, comme l'illustrent des gemmes tels que 'I'll Give Myself To The Wind' que drapent quelques lignes de chant clair et profond, 'With The Deat Of A Blossoming Flower', le titre le plus torrentiel du lot, ou 'Under Crimson Sky', (fausse) respiration percée de sombres fissures.
En définitive, aux confins d'un post black nourri au shoegaze, "Escape" est peut-être bien le meilleur album de l'Australien depuis la fin d'Austere, équilibre miraculeux entre obscurité et lumière.