Pataugeant depuis une dizaine d'années dans la violence pure, à la lisière du death et du
thrash, Revocation pousse ses limites hors des
barrières de ce qui est humainement admissible - même dans un style extrême (!). La formation
américaine, passée maître dans l'art de la déferlante cruelle, propose un sixième album
("Great is Our Sin") où ils enfoncent le clou et poursuivent leur chemin de colère et de vitesse supra-luminique.
Déjà la rondelle précédente
nous avait laissés sur les rotules, par la puissance sauvage qu'elle déversait dans nos oreilles meurtries. Le choc fut donc violent, et un peu groggy, un peu hébétés nous avions laissé s'apaiser cet orage organique, repris notre souffle... Car Revocation laisse irrémédiablement exsangue, tant il déploie conjointement technique et lourdeur. Or, là où
certains ratent le coche de la persécution musicale, eux nous écartèlent, génèrent une onde
de choc telle que, dès les premières mesures de cette nouvelle galette, elle transperce toute surface de part en part.
À peine cinq secondes écoulées, nous sommes ainsi submergés
sous des monceaux de doubles croches ou de rythmes
percutants à la rigueur métronomique quasi martiale ; des roulements infernaux de grosse
caisse ; des montagnes de crasse sonore putride : la guitare dantesque assène
des coups de boutoir qui décollent les dents du fond, du
devant, bref tout le râtelier.
"Great is our Sin" dessine une obscurité ultime, des bas-fonds putrides souillés, hantés de cauchemars effrayants... bref, une apocalypse sonore initiée par 'Arbiters of The Apocalypse' que les néophytes auront
du mal à appréhender sans jeter l'éponge, tant l'ambiance est glauque et morbide. Cette musique est donc nihiliste, sans concession, même si elle est par instants illuminée par des
traits sporadiques de six-cordes solitaire, qui font jaillir de ce cloaque
infernal une lumière glaciale. C'est dans une veine proche d'Immolation - en une variation plus thrash /
death peut-être - que ces musiciens ont trouvé leur voie ('Theater
of Horror'), une sorte de comedia dell'arte malsaine, sombre et macabre, qui imprime une angoisse sourde au fond de
nos intimités meurtries.
La boucherie musicale est en marche, les musiciens étalent un art sanglant, même s'ils jugent
bon de parfois freiner cette cadence, puis donner plus d'espace
à leur folie meurtrière
('Crumbling Impreium'). Ils naviguent entre la sauvagerie jubilatoire, le grotesque, l'inhumain, et le presque "sirupeux" à la puissance
contenue, comme pour caresser l'échine de coups de fouets habilement
placés ('Cleaving Giant of Ice'). Tel une nouvelle incarnation de Morbid Angel, le combo emprunte la sauvagerie de ces derniers, sa violence ultime, et en bon élève appliqué, délivre des explosions abusées de six-cordes dans cette même lignée ('Only Spinless
Survive').
Revocation nous offre en guise de cadeau de l'Avent une boucherie infernale qui laisse les
suiveurs très, très loin derrière. "Great is Our Sin" affirme un
style plus que violent, sans concession, où la lumière n'a pas sa place ; une sorte d'ode sombre, opaque, âpre, technique et poisseuse
qui hisse le combo - si on pouvait encore en douter - au rang
de maître des cérémonies occultes et des imprécations métalliques
diaboliques.