S’il y a une chose qui ne fait aucun doute, c’est bien la capacité des Red Hot Chili Peppers (RHCP) a proposer des compositions et des albums de très grande qualité. Leur très riche discographie en est la preuve éclatante.
Pourtant, rapidement constat est fait que ce "The Getaway" peine à s’imposer avec la même évidence que ses prédécesseurs. Plus policé, plus lisse que la plupart de ceux-ci, il demande encore plus d’efforts que "I’m With You" (2011) à l’auditeur qui voudrait en apprécier les saveurs. Toutefois, le savoir-faire du groupe pour ce qui est de composer des mélodies apparaît aussi flagrant qu’à l’accoutumée, mais l’interprétation et le son sont moins percutants, quasiment plus popisants, que par le passé. Difficile de savoir si cela provient d’une volonté délibérée du groupe, volonté qui pourrait trouver son origine dans le remplacement de Rick Rubin, le producteur historique du groupe, parti après 27 années de collaboration avec les RHCP, hypothèse renforcée par le fait que leur avant-dernier album faisait déjà le choix d’une direction artistique plus apaisée, plus pop.
L’accent est ici rarement mis sur les qualités techniques des musiciens, ceux-ci se montrant étonnamment sobres. Leur exubérance habituelle en ce domaine laisse place à une production qui se montre, elle, très riche et sophistiquée. Malgré cela, les surprises sont assez rares. Signalons tout au plus un ‘Go Robot’ aux surprenants accents dance, quelques titres à l’image de ‘We Turn Red’ qui ressuscitent l’esprit funk rock du groupe, et surtout l’étonnant 'Dreams Of A Samuraï', aux ambiances indéfinissables, mélange de psychédélisme et de romantisme.
A la lecture de ces lignes, et comme le ressenti préliminaire le laissait entendre, "The Getaway" peinera à s’imposer comme un coup de cœur et un album incontournable. Pourtant il serait très injuste d’en avoir une vision purement négative, car si "The Getaway" n’est pas une plongée dans un bain à remous propre à émoustiller toutes nos terminaisons nerveuses, il n’en reste pas moins un album sérieux et bien construit. Sans vouloir abuser une fois de plus du terme "d’album de la maturité" - cela a déjà été fait à maintes reprises dans la carrière des Peppers -, il est indéniable que les influences rock 70’, funk, heavy metal, rap… propres au groupe s’y trouvent agrégées de manière très fluide, très douce, pour créer un rock travaillé, maîtrisé et harmonieux, comme rarement. La folie adolescente des RHCP n’est plus depuis bien longtemps, c’est un fait. Mais elle laisse ici place à une formule qui, si elle est moins tape-à-l’œil, n’en est pas moins très plaisante. Il en va ainsi de 'Sick Love', une mélodie faussement flegmatique sur laquelle Elton John vient poser ses notes de piano, et son vieux complice Bernie Taupin tient la plume, ou bien 'The Longuest Wave', une très agréable ballade aux accents nostalgiques.
Les trublions ont pris de la bouteille, leur charme est moins immédiat, moins exubérant, on pourrait presque dire plus sournois, mais il est toujours présent. Les "tubes" sont moins évidents, mais "The Getaways" comprend tout de même de très bons morceaux qui s’immisceront insidieusement dans votre esprit.
En 2016, les RHCP c’est un peu la force tranquille en action. Ou pas.