Comment survivre au décès du leader, poète, chanteur et charismatique Jim Morrison? C'est le défi auquel est confronté The Doors en cette année 1971. En effet, la voix du fantasque et provocateur frontman s'est définitivement éteinte le 2 juillet 1971 de cette année-là à Paris. Le trio restant va donc chercher d'autres voies (voix) avec ce "Other Voices".
Evidemment The Doors sans Morrison n'est plus le même groupe. Pour autant, le son, somme toute assez caractéristique des Américains bénéficie aussi du talent de Ray Manzarek et de Robby Krieger, qui reprennent alternativement le micro sur les 8 titres qui constituent ce nouvel effort. Après deux titres sans grand intérêt car d'un trop grand classicisme rock et rhythm' and blues, arrive 'Ships with Sails', le morceau le plus convaincant. L'ambiance hypnotique servie par un clavier délicat amène tranquillement le chorus de guitare qui constitue la base mélodique de la chanson. La voix de Ray Manzarek est tantôt délicate et subtile tantôt expressive et véhémente, ce qui révèle l'aspect le plus théâtral du trio. Les percussions organiques de John Densmore, soutenu par Francisco Aguabella (percussionniste afro-cubain qui a notamment accompagné Dizzy Gillespie et Paul Simon) et les longues plages instrumentales rappellent les passages psychédéliques qui agrémentent l'œuvre de The Doors.
Mis à part ce titre particulièrement réussi, les musiciens peinent à sortir des sentiers battus et rendent une copie moyenne, même si on fait abstraction de l'ombre tutélaire et essentielle de Morrison. En effet, les fondamentaux sont bien là avec un 'Tihtrope Ride' qui ne dépareillerait pas dans la discographie des Rolling Stones avec son rock fougueux et volontaire. Le démarrage agréable de 'Down On The Farm' s'essouffle dans une ritournelle country folk qui manque de cohérence. 'Wandering Musician' est trop répétitive pour emporter l'adhésion malgré la performance aux claviers de Manzarek. L'album s'achève sur un 'Hong On To Your Life' débridé qui se perd dans les enchevêtrements musicaux délirants, voire cacophoniques après une première partie sympathique.
On ne peut pas dire que le pari soit réussi mais il faut admettre que la marche était très haute. Le parti pris de vite rebondir après la disparition de Jim Morrison aurait toutefois pu tourner au cauchemar. Or avec un titre de grande qualité et quelques passages réussis, ce n'est finalement pas si mal, même si cet album ne possède pas assez de qualité pour faire oublier l'emblème de toute une génération - mais était-ce simplement possible?