Fort d'un premier album bien accueilli, au titre évocateur "Into The Light", Mantra s'est forgé petit à petit une identité à part dans la sphère grouillante des musiques progressives. Aujourd'hui, au travers de "Laniakea", son nouvel album, cette jeune formation bretonne propose une musique multiple et difficilement qualifiable, qui navigue entre djent, metal progressif, rock progressif, post metal et musique du monde.
Cet album est une peinture impressionniste, portée par un concept introspectif et méditatif. Le mot Laniakea évoque aussi bien le paradis dans la tradition hawaïenne qu'une référence à la cosmologie, un super amas de galaxies portant ce nom. Dès lors on peut imaginer que la musique conçue ici navigue entre floraisons oniriques, méditations spatiales livrées à l'espace sonore infini, architectures rythmiques sensuelles, humaines ou plus caverneuses. Toujours est-il que le groupe engendre une musique gorgée de vibrations humaines qui souhaite s'affranchir des lieux communs, qui désire arpenter d'autres chemins de traverse loin des sentiers foulés par la multitude. La rondelle est ainsi une proposition musicale inattendue hors de tout ce qui est commun.
Au-delà de son habillage metal (même si il est déjà très foisonnant), la musique parle avant tout aux tripes. Toutefois la guitare plombée est bien là, la basse fracasse la boite crânienne, les peaux nous submergent de coups de boutoir. Mais peut-être à contre-emploi, la voix se fait multiple, et au final fait ce qu'elle veut quand elle veut, tour à tour criant ou charmeuse pour tromper notre surveillance. Les Bretons se rapprochent de formations comme Intronaut, Isis ou Ulver, des formations qui vivent le progressif comme un besoin primal de ne pas se conformer à la majorité silencieuse.
C'est avec des intonations tribales sur fond de musique du monde que la formation entame son périple sonore ('Dust'), comme si au final toute beauté naissait de la poussière. L'orage rugit sur les plaines abyssales, le vent souffle, la mer nous berce, les oiseaux marins crient dans le ciel : tout semble paisible dans cette image sonore de paradis terrestre. C'est alors que l'orage gronde dans le fond, que les tambours résonnent comme des battements de cœur, puis nous entraînent vers la seconde étape ('Marcasite'). La rythmique de la guitare est plombée, la voix navigue entre intonations grunt et chant éclairé. C'est alors l'occasion d'imposer une lourdeur moite, une ambiance presque doom digne de Cathedral.
La suite nous fait voyager entre mariage de vocalises mélodiques et éructations grunt ('Pareidolia'), simplicité quasi évangélique d'une guitare dépouillée ('Faces') et métriques pachydermiques et accélérations percutantes ou passages aériens sur fond de flûte ('Dead Sun'), le groupe livrant sur un plateau d'argent son cœur et ses tripes avec une sincérité désarmante.
Mantra a réussi un coup de maître avec cette pépite noire qui, au-delà des étiquettes musicales, soude les différentes obédiences sonores. "Laniakea" fait monter un frisson de plaisir à chaque seconde gravée sur ces sillons de plastique. D'une beauté surréaliste, c'est un chef d'œuvre tellement beau, parfois âpre, parfois planant, mais toujours confondant de majesté et d'humanité !