Alors qu'il porte un stimulateur musculaire électronique sur sa jambe blessée lors de son grave accident de moto, Billy Idol voit un journaliste le comparer à un cyborg et à un cyberpunk. Ces références vont pousser le blond peroxydé à s'intéresser aux travaux d'écrivains et de scientifiques sur le mouvement cyberpunk à une époque où Internet n'en était qu'à ses balbutiements et où l'informatique commençait à poser des problèmes d'éthique. Alors qu'il découvre également de nouvelles technologies de production grâce à Trevor Rabin (Yes), ces nombreux sujets le poussent à se lancer dans un projet original : enregistrer un album conceptuel dans son propre studio. Pour cela, il s'entoure de son nouveau bras droit, le guitariste Mark Younger-Smith, et du producteur Robin Hancock (qui va aussi gérer les claviers), et fait appel à quelques musiciens de sessions.
C'est ainsi que naît "Cyberpunk" qui sort en 1993 et va sacrément secouer la carrière de Billy Idol. Ce dernier n'hésite pas à se lancer dans des sonorités synthétiques et à utiliser des éléments technoïdes au sein d'un ensemble qui s'étire sur plus de 70 minutes. Si cette durée n'a rien de surprenant pour un concept-album, elle est probablement la principale faiblesse d'un opus qui peine à maintenir son intensité jusqu'à son terme. Dommage car le début est époustouflant, pour peu que l'auditeur ne soit pas allergique aux différentes expérimentations déjà citées. 'Opening Manifesto', un des 7 interludes titrés 'Untitled', lance une première partie alternant les tempi et ambiances. S'appuyant sur une rythmique obsédante et un refrain accrocheur, 'Wasteland' ne révolutionne pas l'univers de Billy Idol, en dehors de ses sonorités synthétiques. C'est également le cas de l'envoûtant et obscur 'Tomorrow People'. Composé alors que le chanteur pouvait voir les fumées des émeutes de Los Angeles depuis sa fenêtre, le cinglant et agressif 'Shock To The System' entre également dans le cadre des titres qu'il sait régulièrement proposer avec talent.
Cette première moitié d'album est complétée par le surprenant et hypnotique 'Adam In Chains', l'angoissant et obsédant 'Neuromancer', dont l'énorme ligne de basse vient rappeler la présence de Doug Wimbish (Living Colour) à cet instrument, le puissant et cinglant électro-punk 'Power Junkie', et la vaporeuse ballade 'Love Labours On' zébrée d'éclairs guitaristiques. S'il y avait jusque-là suffisamment d'éléments pour valider la démarche de Billy Idol, la seconde partie d'album ne va malheureusement pas tenir ses promesses en dehors d'un catchy et accrocheur 'Then The Night Comes'. La reprise du 'Heroin' du Velvet Underground pousse les expérimentations électroniques trop loin, tout comme un 'Shangrila' psychédélique aux sonorités orientales s'étirant sur sept (trop !) longues minutes. Tournant parfois en rond ('Concrete Kingdom'), se faisant redondant ('Venus') ou trop chargé ('Mother Dawn'), le reste laisse la sensation d'une expérience poussée trop loin et dont l'auteur se serait essoufflé.
Accusé par certains d'avoir été trop ambitieux, par d'autres d'opportunisme en tentant de profiter d'une mode, Billy Idol va subir les foudres d'une grande partie des critiques. Victime d'une overdose qui sera assimilée à une tentative de suicide, l'artiste disparaîtra du paysage musical pendant plus d'une décennie pour gérer ses démons et se remettre de l'échec commercial de cet opus. Avec le recul permis par le temps, "Cyberpunk" se révèle un album qui mérite que l'on s'y replonge, possédant en son sein de nombreuses pépites et traduisant une véritable prise de risque artistique digne de respect. Si la démarche n'a pas été totalement maîtrisée, elle ne méritait sûrement pas la lapidation dont elle a été la victime et une réhabilitation ne serait pas une injustice à proprement parler.