Faisant fi de toute contrainte commerciale et encore moins du grand barnum orchestré par les majors de la musique, Radiohead poursuit son bonhomme de chemin, avec un neuvième album débarqué sans tambour ni trompette après la mise en sommeil complète de son site internet durant 24h. Après deux derniers albums sur lesquels les différents avis furent très partagés, c'est avec circonspection que débute l'écoute de "A Moon Shaped Moon" et ses 11 titres pour 52 minutes de musique.
Si les expérimentations passées de Radiohead en avaient rebuté plus d'un, 'Burn the Witch' va rapidement rallier bon nombre de suffrages en attaquant pied au plancher avec une base sonore faite de cordes saccadées, sur lesquelles la voix à la limite de la rupture de Thom Yorke vient se poser, le titre montant petit à petit en puissance. La suite prend en revanche tout de suite un caractère plus atmosphérique, plus intimiste, se situant quelque part entre Shearwater, Anathema et Talk Talk. Les claviers se taillent la part du lion, avec un énorme travail sur les sonorités qui passent allègrement de l'orchestre symphonique à l'electro, proposant une ambiance toute particulière, à la limite de la désespérance ('Desert Island Disk' ou le symphonique 'Glass Eyes') ou de l'évanescence cosmique ('Full Stop'). Ce dernier titre prend toutefois une autre tournure dans sa deuxième partie, à la limite du psychédélisme.
Arrangements ultra-soignés, guitares peu présentes, section rythmique sobre, sombre et efficace, le style proposé par Radiohead sur cette nouvelle production navigue entre rock alternatif, post-rock, rock atmosphérique et … rock progressif ! Preuve en est le sommet de l'album que constitue 'The Numbers', morceau hypnotique qui pourra s'écouter à plusieurs niveaux de par la multiplication des couches sonores, et notamment d'un jeu de basse particulièrement inspiré. En comparaison de tout cela, la fin de l'album, et notamment ses deux derniers titres, sonne presque banale mais constitue néanmoins une coda apaisante, conclusion idéale d'une galette en tous points remarquable.
Et si l'envie de reprendre au début l'écoute d'un album après ses dernières mesures constitue un bon étalonnage de sa valeur, alors nul doute que "A Moon Shaped Moon" est à considérer comme un grand disque, difficilement classable certes, mais tellement brillant !