Étonnant album que ce "Kna'an" signé Orphaned Land & Amaseffer dont l'origine est une commande de Walter Wyers, directeur d'un théâtre à Meminngem en Allemagne et auteur d'une pièce de théâtre retraçant l'histoire d'Abraham en Pays de Canaan (Kna'an). Kobi Farhi (Orphaned Land) et Erez Yohanan (Amaseffer) ont été contactés par Wyers afin de mettre en musique cet opéra rock. Alors qu'Orphaned Land dans son ensemble participe au disque, la présence d'Amaseffer se résume à son batteur et compositeur Yohanan. Il aura fallu attendre presque deux ans avant que la musique de cette pièce jouée en public en septembre 2014 ne sorte.
Il est toujours malaisé de juger d'une telle œuvre indépendamment de la création artistique de spectacle vivant qu'elle est sensée accompagner initialement. Avec ce concept particulièrement marquant de l'histoire religieuse, les artistes israéliens ont un défi de taille à relever. Pour musiquer cette représentation ce n'est pas le metal extrême d'Orphaned Land et Amaseffer qui est mis en valeur mais leur facette la plus acoustique et intimiste pour moitié et une écriture hard rock pour l'autre moitié. Bien que tous ces éléments soient alléchants, il est difficile de trouver son compte à l'écoute de "Kna'an", que ce soit dans les mélodies et harmonies trop simplistes, les constructions manquant de relief et de finitions ou la cohérence des morceaux affaiblissant le rendu global de l'ensemble.
Sous-tendu par un concept ambitieux, le travail musical ne permet jamais l'immersion dans cette aventure fabuleuse et l'ennui intervient très rapidement dans le déroulement de l'œuvre. Signes d'une écriture manquant de conviction, les arrangements d'instruments folkloriques orientaux, pourtant grande spécialité de ces deux groupes, ne sont pas à la hauteur d'un tel projet et le final de 'Prisoners Of The Past' termine l'album de manière presque bâclée sans aucune montée émotionnelle ni dimension épique. Si quelques titres se démarquent comme l'introduction 'The Holy Land Of Kna'an' qui met l'eau à la bouche avec une ambiance bien rendue, le puissant 'Akeda', le prenant 'The Vision' avec ce chant féminin sorti du désert ou le poétique 'A Truit Without No Fruit', ce sont de trop rares occasions de réjouissance pour considérer cet album comme digne d'intérêt.
Si "Kna'an" n'avait pas été estampillé Orphaned Land et Amaseffer, il y a fort à parier qu'il n'aurait pas eu la même visibilité. La frustration n’en est que plus grande d’entendre se conjuguer de tels potentiels pour un résultat aussi moyen. Devant le total décalage entre une histoire aussi symbolique que celle d'Abraham et le développement musical sans ambition et partiellement achevé qui en est proposé, on peut parler sans exagération de déception.