L’album "13" n’était donc pas le retour spasmodique d’un groupe en quête d’un dernier combat, mais bien l’entame d’une seconde (énième ?) carrière pour Suicidal Tendencies qui remonte sur le ring avec le convaincant "World Gone Mad". Et le moins que l’on puisse dire, c’est que si le groupe change, le style reste.
Car si seul le duo Muir / Pleasants (chant et guitare) reste en place, l’arrivée de petits nouveaux, parmi lesquels on peut compter Dave Lombardo, batteur historique de Slayer, n’a pas altéré l’identité musicale du groupe de Venice. Il est en effet surprenant de constater cette persistance du son estampillé ST malgré les nombreux changements de line-up. Il suffit d’écouter les guitares et la batterie de 'Get Your Fight On' pour être aussitôt plongé dans l’univers musical que le groupe cultivait lorsqu’il était au faîte de sa gloire : ce mélange de heavy metal et de thrash, mâtiné de punk. Tout ce qui a fait le succès du groupe au début des années 90 est ici présent, à commencer par cette basse claquante, particulièrement active sur 'Clap Like Ozzy', mais également le chant, légèrement voilé et en rupture de Mike Muir - un chant mélodieux qui constitue clairement une des pierres angulaires de l’identité du groupe.
Il faut attendre le dernier titre, le soporifique 'This World' pour trouver le seul faux pas de cet album. Un faux pas d’autant plus surprenant que ce titre était déjà présent sur l’album précédent dans une version plus longue, plus variée, plus énergique et plus probante. Difficile d’ailleurs de comprendre ce qui a poussé ST à retravailler ce morceau lorsque l’on considère le résultat très décevant. Mais hormis cette maladresse, quel régal ! Il n’y a qu’à enchaîner l’écoute du plus que dynamique 'Living For Life' et du furieux 'Get Your Fight On' pour être immédiatement convaincu de la bonne santé du groupe. C’est énergique, efficace et direct. Le groupe se fait moins démonstratif, moins funky et moins hétéroclite que pendant la période 1999 / 2001. De fait, ce "World Gone Mad" est un album cohérent et compact dans lequel il y a peu de place pour les démonstrations instrumentales individuelles et les digressions.
A ce titre, la prestation de Dave Lombardo, pour efficace qu’elle soit, n’est pas particulièrement saillante. Et il en va de même pour tous les membres du groupe, chanteur inclus. A l’exception de quelques rares envolées personnelles, ceux-ci semblent avoir à cœur de se fondre dans un collectif. En ce sens Suicidal s’inscrit clairement dans la continuité de la partie la plus heavy de sa carrière, à savoir la période des albums "Camera... Light… Revolution!" à "Suicidal For Life". Les racines punkisantes et les flâneries funkisantes sont ici délaissées, au profit d’une approche plus recentrée sur un heavy groovy et efficace.
Et comme par ailleurs le groupe conserve tous ses atouts, le résultat se révèle n’être pas moins qu’un grand album de Suicidal Tendencies.