Nous avions quitté Anima Mundi sur un album plus sage, gorgé de compositions qui, pour être moins étirées et flamboyantes que par le passé, conservaient par ailleurs de quoi satisfaire l'amateur de rock progressif symphonique. Trois ans plus tard, au terme d'une longue maturation de deux années, le quintet cubain délivre un cinquième album sous forme de concept ambitieux traitant des défis lancés à l'être humain par les technologies et leur cortège d'idéologie guerrière et de solitude existentielle.
Emmené par Roberto Diaz aux guitares et Virginia Peraza aux claviers, le groupe propose avec "I, Me, Myself" une partition généreusement mélodique, structurée par trois titres épiques qui dessinent, au-delà des figures imposées par la forme "titre à tiroirs", une large variété de paysages sonores. De la mélancolie High Wheelienne irrigant les premières minutes acoustiques de 'The Chimney, The Wheel And The War', il faudra retenir qu'elle sous-tendra la quasi-totalité des dix-huit minutes de ce premier titre, se métamorphosant au gré des genres effleurés, du symphonique au jazz en passant par un déchirant développement aérien en forme d'hommage au 'Echoes' de Pink Floyd.
En accord avec la thématique de l'album, 'Somewhere' et 'Train To Future', aux introductions agressives et techniques agrémentées de duels instrumentaux entre guitare et claviers, s'ourlent d'une noirceur inédite chez les Cubains, à laquelle la présence de deux nouveaux membres (Michel Bermudez au chant et Marco Alonso à la batterie et au saxophone) issus de la scène metal n'est sans doute pas étrangère. Ainsi 'Train To Future' se développe-t-il dans un climat d'urgence propice à la présentation effrénée de différents thèmes mélodiques et phrasés rythmiques, avant de laisser place à de délicats cheminements harmoniques alternant tensions, résolutions et soli gorgés de feeling jusqu'au climax attendu.
A contrario, les trois pièces plus courtes se révèlent plus enjouées, mettant à profit le sens du groove de la section rythmique sur le cuivré 6/4 'Clockwork Heart', usant du chant toujours juste et expressif de Michel Bermudez sur la ballade ternaire 'Lone Rider', ou s'amusant des contrastes tout au long de 'Flowers', dont l'introduction saturée et les soli acrobatiques n'annonçaient pas le solo d'orgue terminal qui évoquera sans doute, pour ses notes piquées, le 'Supper's Ready' de Genesis.
En guise de conclusion, il est bon de savoir que "I, Me, Myself" est annoncé comme le premier volet d'un triptyque à venir. Et puisque dans un registre tout à la fois progressif, symphonique et metal, cet album s'impose comme l'une des œuvres les plus abouties du quintet, cela ne peut que bien augurer de la suite.