En 1997, année où le fameux label néerlandais SI Music dédié au rock néo-progressif fermait ses portes, Angular Records et Stefan Kost prenaient le relais pour quelques années et publiaient parmi d'autres pépites une galette formidable produite par un groupe allemand formé quelques années auparavant, porté par un chant féminin glissant sur des nappes de claviers typiques du genre, se démarquant d'une concurrence féroce où le pire côtoyait régulièrement le quelconque.
Après près de 20 années de silence, Cromwell revient au premier plan avec un album conceptuel traitant des années communistes vécues derrière le rideau de fer, porté une nouvelle fois par le label néo-progressif du moment (Progressive Promotion), avec le seul Wolfgang Täffner survivant du line-up original, la voix étant cette fois assurée par un organe mâle, en l'occurrence celui de Holger Weckbach.
Comme lors de son premier album, Cromwell développe un néo-progressif énergique et puissant, qui évoquera aux fans du genre leurs cousins bataves de Knight Area et autres Egdon Heath. Porté par une section rythmique basse/batterie classique qui manie à bon escient la syncope, la plupart des titres voient leur énergie renforcée par une guitare rythmique tranchante qui donne un léger côté "hard" à l'ensemble. Si les nostalgiques regretteront la voix féminine d'Anke Täffner, force est de constater que le nouveau titulaire du poste s'en sort à merveille, collant parfaitement au style à la fois mélodique et énergique du groupe. Il suffit pour s'en rendre compte de passer l'oreille sur une plage qui pourrait faire office de single ('Kissing Dynamite') pour mesurer toute l'étendue du talent de monsieur.
Mais, la véritable marque de fabrique de Cromwell réside d'abord et avant tout dans les claviers de son géniteur, de ceux qui dès les premières mesures permettent de cataloguer cette musique dans la case néo-progressive. Que les amateurs exclusifs de Moog et autres Mellotron sortent immédiatement leurs mouchoirs, ils ne trouveront ici que du clavier bien gras, aux sonorités typiques, remplissant (envahissant diront certains) à eux seuls l'espace sonore, et prenant systématiquement le lead mélodique. Les amateurs apprécieront très certainement, quant aux autres il leur restera les trois minutes de respiration instrumentale proposées par 'The Lights', mettant en avant une guitare acoustique pastorale qui rappelle les ambiances de "Hergest Ridge" (de qui vous savez), soutenue par un discret murmure de claviers/violoncelle.
Bien évidemment, un bon album de néo ne serait rien sans des mélodies percutantes et variées, et là encore nous sommes plutôt bien servis, que ce soit avec 'Starlit Sands' qui ouvre les hostilités, mais aussi et surtout avec le sommet de l'album formé par les huit minutes de 'Black Red Chapter'.
Vous l'aurez compris, si vous n'aimez pas le néo-progressif, fuyez cette nouvelle publication de Cromwell dans laquelle vous ne trouverez que caricatures du genre (moins les interminables soli de guitare, plutôt absents tout au long des 56 minutes proposées). A contrario, pour ceux que le genre passionne, vous vous retrouverez plongés dans un univers certes bien balisé, mais conçu et réalisé de telle manière qu'il sera difficile de s'en extirper avant la fin, tant les mélodies et la mise en forme sonore s'avèrent prenantes. La note finale vous situera la catégorie dans laquelle nous nous rangeons.