Avec leur nouvel album, les cinq membres madrilènes de Pervy Perkin se savaient attendus au tournant : sauraient-ils corriger le défaut majeur de leur première offrande, à savoir un chant expressif et généreux mais trop souvent entaché d'approximations et de fausses notes ?
La réponse se déploie en majesté sur cinq des neuf titres qui forment ce "ToTeM" ambitieux et multidimensionnel, les voix d'Alejandro Macho et de ses camarades se positionnant comme essentielles à la singularité du groupe. Velouté puis plus heavy sur le très progressif 'I Believe', carrément guttural sur l'éprouvant 'Hypocondria', hip-hop sur le rap'n'roll mâtiné de clichés folk 'KountryKuntKlub', le chant accompagne et redouble l'inventivité des partitions instrumentales.
Mais c'est bien sur l'épique 'Mr. Gutmann' que se dévoile le projet du quintet : l'assimilation humoristique, quoique parfaitement maîtrisée, de tout un pan de la culture musicale occidentale en une juxtaposition jubilatoire de thèmes mélodiques et d'habiles arrangements qui évoqueront tour à tour Devin Townsend, From.uz, Spock's Beard, Frank Zappa, Torm, mais aussi le heavy metal, le funk, l'électro, le disco, le jazz, le blues, le death metal,... il n'est pas un genre qui échappe à la gloutonnerie espagnole.
Revers de la médaille de ce foisonnement créatif, tout n'est pas toujours réussi. A la finesse de la section rythmique s'opposent des sons de claviers qui donnent à voir ce qui distingue l'humour du kitsch, tandis que le conclusif 'T.I.M.E.', malgré une belle densité émotionnelle, souffre de quelques longueurs. Il est aussi permis de s'interroger sur la cohérence d'un album qui ouvre ainsi le rock progressif à tant d'influences tout en négligeant parfois d'assurer les transitions entre les styles abordés.
Néanmoins, "ToTeM" permet à ses concepteurs de frapper un grand coup et de se positionner dans le peloton de tête des formations progressives curieuses et ouvertes à l'expérimentation. Celles-ci ne sont finalement pas si nombreuses et bousculent avec bonheur un genre dont le conservatisme tend trop souvent à disqualifier toute velléité d'innovation.