Bassiste de formation ayant œuvré dans plusieurs groupes de la région clermontoise dans ses plus jeunes années, Henri Vaugrand a finalement franchi le pas en se lançant dans la grande aventure de la réalisation de son premier album, sous le pseudonyme de Grandval.
Composé de titres ayant mûri depuis plusieurs années pour certains et judicieusement interprété dans la langue de Molière, "À Ciel Ouvert" manie les mots avec poésie et habileté pour pointer du doigt les dérives du monde moderne, rejoignant en cela un certain Jean-Pierre Louveton qui, ironie du sort (ou pas ?) se retrouve à prêter son jeu de guitare sur quelques titres. Car si côté musique Grandval s'est occupé de tout ou presque (hormis la batterie, confiée à Martial Semonsut), il n'en a pas moins invité quelques collègues/amis du sérail à venir se dégourdir les doigts sur leur 6 cordes, dont JPL,mais aussi Colin Tench (Corvus Stone) ou encore Kevin Serra (Quantum Legacy) et Steph Honde (Café Bertrand, Hollywood Monsters).
Ces guests vont bien évidemment apporter chacun leur couleur particulière à l'univers développé tout au long des 51 minutes de cette galette. C'est particulièrement le cas sur 'À Ciel Ouvert', construit autour d'une série de riffs de JPL, entrecoupés par les interventions chantées, ou encore et surtout de 'Aktion T4', brûlot évoquant le programme d'euthanasie envers les handicapés conduit par les nazis, moment d'intense émotion avec un texte lourd de sens proposé sur un rythme très lent d'obédience floydienne, où les cris de la guitare de Steph Honde viennent littéralement déchirer une atmosphère plombée encore plus par de sinistres extraits de discours d'Hitler.
À l'opposé de ces moments graves, 'Crevé les Nuages' et son entame qui rappelle Marc Seberg se poserait presque comme un single guilleret (ce qu'il n'est pas !), suffisamment accrocheur pour attirer l'auditeur dans ses filets, et ce malgré une partie centrale où le chant doublé gâche malheureusement le plaisir.
Et c'est un peu le ton de ce premier album qui est résumé dans ce constat. Aux instants de grâce musicale qui feront décoller tout amateur de rock progressif au sens propre et de bonne musique au sens large, succèdent quelques passages plus difficiles à intégrer. Il en va ainsi de certains accompagnements minimalistes qui soulignent un chant quelquefois mal assuré, ou encore d'un titre comme 'Maîtresse Eternelle' dont la force poétique est hélas desservie par une mélodie peu amène.
Mais c'est à l'aune de ces quelques défauts que l'on découvre toute la portée de ce projet : bien que bercé de nombreuses influences que l'on retrouve évidemment ici ou là, notre artiste ne se contente pas de reproduire des schémas usés jusqu'à la corde, mais développe un univers bien à lui, à la fois sombre et plein d'espérance. Pas forcément immédiat d'accès, l'ensemble s'apprivoise au fil d'écoutes attentives qui délivreront petit à petit leur lot d'émotions.
Tout ceci se retrouve finalement très bien résumé par le conclusif et excellent 'Au-delà de ce Grand Val', titre porté par une superbe mélodie de basse et augurant d'un avenir que l'on envisage sous les meilleurs auspices pour ce projet.