Jayn Hanna aura su se faire désirer avec Darkher, son jardin secret. Un premier EP éponyme en 2014 qui lui a ouvert les portes du label Prophecy Productions, écurie avec laquelle il était écrit qu'elle lierait un jour son nom, puis un an plus tard, "The Lost Kingdom", seconde petite offrande qui scellait donc cette alliance, ont su éveiller notre intérêt, (forcément) toujours séduits par les sirènes lorsqu'elles coulent leurs formes dans un moule d'une noirceur prometteuse.
De fait nous attendions beaucoup de cet album longue durée, alors même que la chanteuse nous est pourtant relativement inconnue, seul "Static Kingdom" qu'elle a enregistré avec The Steals ayant pu caresser nos cages à miel, il y a sept ans déjà. Presque une éternité. Par conséquent, nombreux sont ceux qui découvriront cette ravissante Anglaise avec "Realms", création miraculeuse qui, osons l'affirmer d'emblée, se révèle à la hauteur de ses deux mises en bouche avec lesquelles elle partage le titre 'Foregone', ce dont nous ne lui tiendrons pas rigueur tant cette composition, sombrement pulsative, longue de plus de sept minutes, gronde d'une force souterraine qui la propulse vers un orgasme émotionnel.
Avec ses lourds aplats, elle ne reflète cependant pas tout à fait la teneur d'un menu plus intimiste et contemplatif, écrin idéal pour les envoûtantes mélopées de la belle laquelle, fidèle à une forme d'onanisme musical, se dispense (presque) de la présence d'autres êtres humains, nature solitaire qui renforce encore la dimension personnelle et cathartique d'une œuvre qui peut s'appréhender comme le miroir de l'âme désenchantée de son auteure.
Ceux qui n'ont jamais fait le deuil de la première période de The 3rd And The Mortal et de Skumring dont les albums respectifs, "Tears Laid In Earth" (1994) et "De Glemte Tider" (2005) incarnent à eux seuls ce qu'est le doom atmosphérique norvégien, un art dont l'absolue tristesse tient du recueillement plus que d'un simple spleen, retrouveront dans cet opus cette même beauté à la fois poétique et minérale, aux traits toutefois moins doom, plus dark et mâtiné d'un folklore ténébreux.
Cette beauté doit beaucoup au chant spectral et aérien de la jeune femme dont la voix plane au-dessus d'un socle parfois pesant ('Wars'), le plus souvent éthéré ('Hollow Veil') ou squelettique ('Moths'), quand bien même le diptyque 'Buried' étend un suaire instrumental superbe. Funéraires, les ambiances priment tout du long, qui ferrent l'auditeur, l'engourdit doucement avant de l'entraîner dans les abîmes d'un gouffre sans fin.
Brillant d'un éclat crépusculaire et désincarné, "Realms" accoste les rivages d'une terre désolée, nimbée d'une brume forestière et hivernale, qu'il balaie d'un souffle chamanique.