Sorti neuf mois après leur premier album éponyme (le temps d’une gestation !), "For Your Pleasure" en reprend à peu de choses près les mêmes ficelles, Roxy Music persistant dans la veine d’un glam rock sophistiqué mais moins anarchique, mieux maîtrisé et bénéficiant qui plus est d’une bien meilleure prise de son. Ne changeant pas une équipe qui gagne, le line-up est pratiquement identique, seul John Porter remplaçant Graham Simpson à la basse, sans réellement faire partie du groupe, Roxy Music se passant définitivement de bassiste attitré.

On retrouve sur la pochette la plastique glamour de l’inévitable top model, qui n’est autre qu’Amanda Lear, petite amie en date de Bryan Ferry avant de devenir la muse de Salvador Dali. Autre tradition à laquelle Roxy Music restera longtemps fidèle, le titre d’ouverture est un rock débridé et dansant, très direct, qui met tout de suite l’auditeur dans de bonnes dispositions. Bryan Ferry a gagné en assurance, son timbre so british est d’un raffinement exquis. Le sax d’Andy Mackay, toujours très présent, joue des stridences moins agressives que sur "Roxy Music".

La première face de l’album est d’ailleurs très proche de son prédécesseur, entre staight rocks débridés qui donnent envie de danser (l’hymnique ‘Do The Strand’, ‘Beauty Queen’ sur lequel Ferry joue les crooners et ‘Editions Of You’et ses trois solos successifs) et titres atmosphériques sombres et mélancoliques (‘Strictly Confidential’ et surtout l’anxiogène ‘In Every Dream Home A Heartache’ avec ses effets de fade out/fade in et un superbe rendu de batterie).

La seconde face se veut plus expérimentale avec deux titres jouant sur les répétitions hypnotiques et les musiques lancinantes. ‘The Bogus Man’, le plus long titre de l’histoire de Roxy Music, aligne rythmiques répétitives et chant inexpressif, le sax laissant échapper par moments d’évanescentes et étranges mélopées vaguement orientales… ou extraterrestres. Très linéaire et un peu trop long, l’ennui finit par pointer son nez sur l’interminable final. Si ‘For Your Pleasure’ joue lui aussi sur la répétitivité de ses rythmes, il s’avère bien plus intéressant, installant son atmosphère irréelle et fantomatique avec de jolis effets de rebond de claviers et une mention spéciale à la batterie superbement mise en valeur par la production. Entre les deux, ‘Grey Lagoons’ renoue avec le rock mid-tempo cher au groupe, l’harmonica de Ferry introduisant une pointe de country coincée entre les solos furieux du sax et de la guitare.

Si Roxy Music a gardé son style expérimental et décalé, il a par contre remisé les stridences et le côté un peu foutraque de son premier album, disciplinant ses idées tout en conservant son originalité. En réussissant à trouver le juste équilibre entre audaces et mélodies addictives, il sort avec "For Your Pleasure" l’un des meilleurs albums de sa carrière, si ce n’est le meilleur.