Après la consécration de son dernier album, Focus ​n'est pas tombé dans les pièges de l'oisiveté et s'est tout de suite remis au travail au studio Barnes de Londres. Les bassistes n'étant pas éternels, le discret Bert Ruiter a remplacé Cyril Havermans. Par ailleurs, la matière enregistrée étant abondante, le groupe a opté pour un double album d'une heure.

Paradoxalement, Focus avait fait un carton sur son précédent album grâce à un tube improbable, 'Hocus Pocus', arbre fou qui dissimulait de riches forêts symphoniques. Pour dissiper ce malentendu, le groupe réduit sa part d'humour potache, à quelques exceptions près. 'Round Goes The Gossip' possède des atouts méditerranéens avec ses ambiances opératiques rythmées par un orgue, et son chant latin, proches de ce que fera plus tard ​Premiata Forneria Marconi. 'Sylvia', sorti des tiroirs de Thijs Van Leer, dominé par la guitare et l'orgue​, laisse entendre quelques discrètes vocalises, sages en comparaison de son grandiloquent prédécesseur.

Mais les Hollandais vont confirmer que le succès de l'album précédent n'était pas le fruit du hasard et qu'en outre, ils ne s'étaient pas vendus au démon commercial. La sensibilité du groupe s'exprime sur des courts instrumentaux comme 'Love Remembered' avec sa flûte virevoltante qui inspirera ​Camel ​ou 'Carnival Fugue', exercice lumineux débutant par la guitare acoustique, pour aborder des rivages tantôt colorés par le piccolo, tantôt tempétueux comme l'éponyme 'Focus III' et son introduction inquiétante à l'orgue, relayée par une guitare aérienne, ou encore 'Elspeth Of Nottingham' avec son luth médiéval.

Mais ce sont les longs morceaux instrumentaux qui font la force de ce nouvel album : 'Questions? Answers!' offre des espaces de jeux à chacun des instrumentistes, de la ligne de basse à la batterie pesante, en passant par la guitare de Jan Akkerman aux arpèges acérés (proches du hard rock) et une flûte réconciliante. Mais le morceau de choix de l'album est l'ultime 'Anonymous II', fleuve de plus de vingt-sept minutes (la première version est présente sur le premier album). L'attention ne se relâche guère et les soli sont hypertrophiés, révélant leurs influences jazz ou folk avec une flûte folle et des borborygmes à la ​Jethro Tull​, tout en montrant le talent hors pair de son guitariste avec des interventions à couper le souffle et du batteur qui apporte une tension permanente mais qui risque pourtant de diviser l'auditoire en raison de la longueur de ses soli.

Avec des instrumentaux ciselés et de longues pistes où chacun prend le temps de s'exprimer, ce nouvel album de ​Focus​ prouve une fois de plus que le groupe joue dans la cour des grands. Porté par son single 'Sylvia', l'album sera un grand succès en atteignant la 6ème place des classements britanniques.