"Siren" marquait la fin d’un cycle ayant vu les trublions plutôt iconoclastes des débuts se muer insensiblement en rockers à l’excentricité calculée. A l’issue de la tournée suivant la parution de l’album, le groupe se sépare, Bryan Ferry en profitant pour poursuivre la carrière solo qu’il a entamée en parallèle des activités du groupe depuis 1973. Mais quatre ans après ce split, Roxy Music se reforme, sans Eddie Jobson, et livre son sixième album, "Manifesto".
Ceux qui, avant de déguster la musique, se réjouissaient à la découverte de la playmate ornant la pochette de chaque album de Roxy Music furent un peu déçus. Certes, Bryan Ferry sacrifie à la tradition en épinglant un, et même plusieurs top models en devanture de son nouveau disque, mais ceux-ci sont pris de loin, photographiés en train de danser dans ce qui ressemble à une boîte de nuit branchée. Un changement de style visuel qui en annonce un autre, d’ordre auditif celui-ci.
Car à l’écoute de "Manifesto", on est en droit de se demander s’il s’agit bien du groupe qui a enfanté "Roxy Music", "For Your Pleasure" et "Country Life". Rompant avec la tradition d’introduire leur sujet par un straight rock survitaminé, joyeux et discordant, le titre éponyme suit une ligne de basse sinueuse durant deux minutes avant l’entrée du chant de Ferry. Le disque est séparé en deux faces baptisées ‘East side’ et ‘West side’, la première étant censée être plus expérimentale que la seconde. Si ce n’est une structure ne respectant pas le carcan couplet/refrain des deux titres qui l’encadrent, on cherchera vainement dans ‘East side’ la moindre idée un tant soit peu irrévérencieuse. ‘West side’ quant à elle enchaîne des titres plus mollassons que dansants.
Avec mansuétude, on pourra apprécier ‘Trash’, ‘Angel Eyes’ et surtout ‘Dance Away’ et ‘Spin Me Round’, seuls titres dotés d’un certain dynamisme, les deux derniers annonçant le style des albums à venir. Les autres chansons frôlent le vide abyssal : ‘Still Falls the Rain’ est joué avec l’entrain d’un gastéropode en pleine sieste, ‘Ain't That So’ distille un ennui respectable, ‘My Little Girl’ se vautre dans une mélodie mièvre et soporifique et ‘Cry, Cry, Cry’ résume bien ce qu’on a envie de faire à l’écoute de cet album.
Les musiciens ont l’air de s’ennuyer, les solos sont rarissimes et le chant de Bryan Ferry est le plus souvent inexpressif. Pour couronner le tout, la production sans aucun relief étouffe les instruments. Inspiration en panne, motivation en berne, on se demande bien pourquoi Bryan Ferry a eu l’envie de reformer Roxy Music pour nous livrer cet album d’une platitude extrême.