Depuis sa reformation en 1979, on ne peut pas dire que Roxy Music nous ait particulièrement emballés. Frappé du syndrome des années 80, Ferry et ses collègues ont enregistré deux albums médiocres aux chansons fades. Les musiciens ont rangé leurs soli déjantés pour se cantonner à jouer les accompagnateurs discrets d’un chanteur sans entrain ("Manifesto") puis abusant de roucoulades glamour ("Flesh + Blood"). Autant dire qu’à ce stade de la carrière du groupe, les fans de la première heure espèrent peu de ce nouvel album.
Pourtant, si "Avalon" poursuit dans le style dansant et glamour adopté depuis 1979, il y ajoute une profondeur qu’on était loin de rencontrer sur les deux précédents albums. Si toutes les chansons baignent dans la même atmosphère, donnant parfois une fausse impression de linéarité faute d’écart flagrant d’un titre à l’autre comme il pouvait y en avoir sur les premiers disques, l’album néanmoins inventif et très varié réserve de nombreuses surprises à qui gratte un peu la couche superficielle.
"Avalon" contient son quota de chansons romantiques sur lesquelles le séduisant Ferry fait battre bien des cœurs : ‘More Than This’, ‘Avalon’, ‘While My Heart Is Still Beating’, ‘To Turn You On’ ou ‘True To Life’ ont toutes ce style "plus glamour tu meurs", avec un Bryan Ferry au timbre d’une suavité exquise et des mélodies qui rentrent facilement en tête. Mais contrairement aux deux albums précédents, le glamour ne se transforme jamais en mièvrerie et tous les titres font mouche. La voix de Ferry est mélancolique et expressive, et Manzanera et Mackay ne se privent pas d’intervenir à bon escient.
Mais l’album ne se résume pas à une brochette de chansons romantiques. Ainsi le froid et hypnotique ‘The Space Between’ affiche un petit côté robotique à la Kraftwerk, une impression qu’on retrouve sur ‘The Main Thing’, rappelant également Visage. Si ‘India’, courte parenthèse instrumentale, évoque également un groupe allemand, c’est à Tangerine Dream cette fois que l’on pense. Autre instrumental bien trop court, ‘Tara’, au sax mélancolique à souhait qui pose ses notes délicates sur les accords sombres d’un clavier, met un point final magnifique à la carrière de Roxy Music.
Certes, cette mouture de Roxy Music ressemble fort peu au groupe qui nous avait proposé son album éponyme dix ans plus tôt. Mais "Avalon" clôt honorablement une carrière finalement très courte, permettant à ceux que les derniers albums avaient déçus de se réconcilier avec leur groupe fétiche.