L'air de rien, le dernier véritable album de Gov't Mule date de 2013 ("Shout!"). Il faut dire que non seulement Warren Haynes a un emploi du temps particulièrement chargé avec sa carrière solo, mais en plus le désormais quatuor continue de fournir des live et autres raretés en quantité. Alors que les Américains travaillent sur leur prochain opus, pour lequel ils annoncent s'appuyer sur d'anciennes compositions inédites, ils en profitent pour nous offrir un nouveau recueil à l'intérêt essentiellement historique. En effet, "Tel Star Sessions" est le témoignage audio des premiers enregistrements du groupe alors que Warren Haynes et le regretté Allen Woody occupaient leur temps en 1994 pendant une des nombreuses pauses du Allman Brothers Band.
Renforcé par le batteur Matts Abts, que Woody avait connu au sein du Dickey Betts Band, ce projet n'avait alors d'autre ambition que de passer le temps en ne se fixant aucune limite artistique. Les principales influences assumées à l'époque sont Cream, Free, Jimi Hendrix et ZZ Top. Ce recueil renferme d'ailleurs l'inédite reprise du 'Just Got Paid' du trio des barbus texans ainsi que le 'Mr. Big' du combo de Paul Rodgers qui apparaissait déjà sur le premier opus éponyme de Gov't Mule (1995). Le seul autre inédit est le bluesy et groovy 'The Same Thing' qui n'apparaissait jusqu'à maintenant que sur "The Georgia Bootleg Box" (2012) et qui renferme une de ces jams hallucinantes dont le trio avait le secret. Si l'on excepte 'Blind Man In The Dark' ("Dose" – 1998), au riff toujours aussi obsédant et au jeu de batterie toujours aussi riche renforcé ici de passages de double-pédale, tous les autres titres sont parus sur le premier album officiel en 1995, 'World Of Difference' ayant droit également à une version alternative.
L'ensemble est doté d'un son inspiré par le grunge, avec une basse volontairement salie, proposé par l'ingénieur du Allman Brothers Band, Bud Snyder, conseillé par le légendaire Tom Dowd (Ray Charles, Cream, Lynyrd Skynyrd, Eric Clapton, etc..). C'est cette recherche expérimentale et cette liberté d'improvisation qui font la richesse de ce témoignage sonore. En effet, si la plupart des titres sont déjà connus, ils bénéficient d'une approche plus authentique qui ne se limite pas au son plus root dont ils sont pourvus. Le solo de 'Monkey Hill', la basse énorme de 'Mr. Big', la puissance de 'Mother Earth', reprise de Memphis Slim, le solo à rallonge de 'Just Got Paid', ou l'ambiance aérienne de 'World Of Difference' bercé par le reflux de la basse, sont autant de détails qui rendent ce "Tel-Star Sessions" aussi passionnant qu'attachant.
Il serait donc dommage que les véritables amateurs du groupe passent à côté de ce témoignage historique prouvant la puissance émotionnelle et artistique de Gov't Mule dès ses débuts. Après la découverte de ces archives, il est tellement évident que ce combo était d'une autre dimension qu'il est presque inimaginable que ses membres aient pu un seul instant envisager n'en faire qu'un simple projet parallèle. Un opus plus qu'intéressant pour les simples amateurs et carrément indispensable pour les véritables passionnés.