ARTISTE:

TOOL

(ETATS UNIS)
TITRE:

FEAR INOCULUM

(2019)
LABEL:

AUTRE LABEL

GENRE:

METAL ALTERNATIF

TAGS:
Expérimental, Fusion, Groovy, Planant, Psychédélique, Technique
"Après une très longue gestation sujette à toutes les interprétations, Tool accouche d’un album fascinant et met un point d’orgue à son œuvre si singulière. "Fear Inoculum" est l’album de l’année."
NEWF (31.12.2019)  
5/5
(4) Avis des lecteurs (5) commentaire(s)

Et si la raison principale de cette attente interminable était la peur ? La peur de décevoir, de ne plus rien avoir à dire, de se répéter, la peur que chaque artiste doit affronter à un moment ou un autre de sa carrière. Parce que bon, traiter Tool de fainéant ne tient pas vraiment, vu le nombre de projets auxquels participent chacun de ses membres. Et puis "10 000 Days" était un album si personnel, du moins pour Maynard James Keenan, que nous pouvions nous douter que la composition du suivant allait prendre du temps. Mais personne n’était prêt à attendre treize longues années. Surtout que la peur n’évite pas le danger et que Tool s’est employé plus que de raison à jouer dangereusement avec les médias et les fans, à grand renfort d’explications plus ou moins fumeuses et de teasing insupportable. Cela aurait pu couper le groupe d’une partie de son public, lassé de scruter les informations contradictoires sur la sortie d’un cinquième album annoncée depuis 2013. Mais Tool est un groupe à part. Le culte que lui vouent ses adorateurs depuis bientôt trente ans est sans limite et sans équivalent dans l’histoire du metal moderne, et le quatuor en a parfaitement conscience. Alors la peur est peut-être une explication plausible à cette gestation douloureuse, même si ce n’est qu’une supposition. En tout cas, elle est au centre des textes torturés de Maynard sur ce "Fear Inoculum" attendu comme le messie.

La seule vraie question est alors de savoir si l’attente en valait la peine. La réponse est oui. Un oui franc, massif et jubilatoire. Parce que cet album est d’une beauté chimérique, parce que le pouvoir chamanique de la musique de Tool est ici poussé dans ses derniers retranchements, parce que le groupe n’est jamais allé aussi loin dans la conceptualisation d’une musique anti-commerciale, anticonformiste et totalement libérée de toute contingence extérieure, parce que les sorciers californiens ne dérogent pas à leur parti-pris artistique originel, à savoir composer la musique qui leur ressemble, sans concession ni compromis.

Dans sa version physique, "Fear Inoculum" est composé de sept titres, dont six ont des durées comprises entre dix et quinze minutes (la version dématérialisée comprend trois interludes supplémentaires). Le nombre 7 est d’ailleurs le pivot du travail de batterie titanesque de Danny Carey qui multiplie les alternances entre rythmiques paires et impaires en 7/8, 7/4 et 7/3. Le titre ‘Fear Inoculum’ est un bon exemple de ces changements de rythmes incessants si caractéristiques de la musique de Tool qui s’appuie sur la science tribale de son exceptionnel batteur, sur sa maîtrise des tablas indiens et sur sa faculté à jouer des tempos flottants conférant à l’ensemble, à l’instar de la basse psychédélique redoutable de Justin Chancellor, un pouvoir hypnotique presqu’abstrait.

Construites comme une succession de mouvements imbriqués les uns dans les autres, la plupart des compositions labyrinthiques de l’album débutent par des arpèges de guitare en son clair et évoluent vers des riffs énormes dont le jeu organique et viscéral d’Adam Jones nous donne à ressentir la moindre inflexion. Digne héritier de Robert Fripp, le guitariste déploie toute sa science des effets, joue avec le volume de sa guitare (‘Fear Inoculum’) pour obtenir le son d’un violoncelle, alterne différentes saturations parfois dans un même morceau (‘Culling Voices’) et multiplie les solos psychédéliques (‘Pneuma’, ‘Invincible’, ‘Descending’) et les dissonances (le monstrueux ‘7empest’). Avec son jeu faussement simple et son placement rythmique très complexe, le guitariste n’aura jamais poussé aussi loin sa façon abstraite et organique d’appréhender son instrument.

Si tout le génie du combo repose sur l’alchimie extraordinaire et mystérieuse entre chacun de ses membres, le pouvoir émotionnel de sa musique tient pour beaucoup au chant de Maynard James Keenan. Plus en retrait que d’habitude, le chant du frontman est ici moins présent et plus posé que sur les précédents albums de Tool, poursuivant le travail accompli avec "Eat The Elephant" d’A Perfect Circle. Tout en retenue et en subtilité, Maynard ensorcèle et achève de conférer aux compositions du groupe leur pouvoir envoûtant.

Un son énorme, une production exceptionnelle et l’ajout judicieux et inédit de nappes de synthétiseurs pour rehausser les passages les plus atmosphériques de certains titres (‘Pneuma’, ‘Invincible’) finissent de mettre l’auditeur à genoux, comme un Martin Sheen halluciné au début d’ "Apocalypse Now" se contorsionnant au son du ‘The End’ des Doors avec lequel "Fear Inoculum" possède une filiation troublante.

Psychédélique, progressive, atmosphérique, expérimentale (‘Chocolate Chip Trip’, ses carillons floydiens et ses synthétiseurs percussifs), rock, metal, post-grunge, la musique de Tool est tout cela à la fois et reste à jamais inclassable, aussi cérébrale que viscérale, aussi  mélodique que conceptuelle. Avec "Fear Inoculum", Tool poursuit son parcours sans faute et met un point d’orgue à son œuvre singulière. Et peu importe s’il a un jour un successeur, car cet album fascinant nous accompagnera longtemps, comme l’amulette accompagne le chaman dans sa quête spirituelle.



Plus d'information sur http://www.toolband.com





LISTE DES PISTES:
01. Fear Inoculum
02. Pneuma
03. Invincible
04. Descending
05. Culling Voices
06. Chocolate Chip Trip
07. 7empest

FORMATION:
Adam Jones: Guitares
Danny Carey: Batterie
Justin Chancellor: Basse
Maynard James Keenan: Chant
   
(4) AVIS DES LECTEURS    
GICÉ59
24/03/2024
15
  0 1  
2/5
Combien d'entre vous êtes musicien? Parce que musicalement parlant, c'est très pauvre. Début de conservatoire en étant gentil...
Que de redondances dans des notes qui s'éternisent sans aucune "technique" comme j'ai pu le lire. Il n'y a n'y début ni fin. C'est le serpent qui se mord la queue.
Alors oui, c'est heavy, mais essayez de passer tous ces morceaux qui se ressemblent SANS la VOIX ! Il n'y a plus rien, aucune structure, aucune émotion
Sans cette de voix qui, chez TOOL est un INSTRUMENT, vous aurez un groupe de 2 -ème division, ni plus ni moins

SBY59TH
10/09/2019
6
  0 0  
5/5
Le nouvel album de TOOL, 13 ans après 10 000 Days, au bout d’une interminable succession de rumeurs, canulars et une absence totale de communication du groupe, inespéré mais enfin disponible. Alors ??

Le premier contact avec le nouvel album de TOOL commence par la découverte de l’édition CD physique limitée sous la forme d’un coffret à trois panneaux s’ouvrant sur un écran projetant un clip avec effets sonores mettant en scène les thèmes de l’art work imaginé pour « Fear Inoculum ». Une merveille de conception, nombres d’artistes dont Alex Grey étant impliqué dans la conception qui surpasse tout ce que le groupe a imaginé jusque là avec ses précédents albums. Superbe ! Une sacrée impression après la diffusion de la “pochette digitale” officielle étonnamment simpliste; on s’en doutait, il ne s’agissait que d’une infime partie de l’univers visuel développé pour l’occasion.

En fait, il faut remonter trois semaines plus tôt pour le premier contact, et la diffusion sur les services de streaming de la chanson titre “Fear Inoculum” et première piste de l’album. Un titre de plus de 10 minutes, qui allie des sensations connues avec une certaine modernité qui rassure immédiatement sur ce qu’est encore capable de produire TOOL. Après une longue intro minutieusement élaboré et une escalade vers le premier couplet, tout est en place : une batterie insaisissable, tribale, accompagnée d’une ligne de basse métallique, MJK entre en scène d’une voix suave et intensément délicate rejoint par une guitare puissante et tout en textures. La magie opère, tout est en place. TOOL est de retour.

La seconde piste de l’album est « Pneuma ». De la première à la dernière seconde, le morceau donne définitivement le ton de l’album. Ligne de basse irrésistible et rythmique portée par une suite d’accords imparables, chant inspiré, break tribal/cosmique avant l’apothéose de la dernière partie, « Pneuma » s’impose d’emblée comme une référence du groupe.

Viennent ensuite « Invincible » et « Descending ». Après les versions live de plus ou moins bonne qualité disponibles sur le net, les versions studio se laissent enfin savourer. Deux morceaux énormes de plus de 13 minutes chacun, explorant de nouveau territoires sonores au-delà des mots. Quelques moments de grâce parsèment les deux morceaux : les plans de batterie et le solo de basse sur Invincible, l’émotion et la performance vocale sur Descending avant une deuxième partie instrumentale dantesque. A ce stade c’est déjà la claque, l’auditeur intrépide n’en croit pas ces oreilles, et il reste au bas mot 30 minutes de musique...

« Culling Voices » : une chanson surtout atmosphérique au chant hanté, subtile, posé sur une introduction épurée et longuement développée. Progression vers une rythmique de plus en plus insistante qui se termine sur deux mouvements instrumentaux massifs, tonitruants, dominés par des riffs de guitare acérés. Une chanson qui tranche avec le reste de l’album par sa structure relativement simple et directe, qui peut sembler manquer d’ambition de prime abord mais s’intègre parfaitement à l’écoute de l’album dans son appréhension globale.

« Chocolate Chip Trip »... « bonus » barré rythmé par un motif étrange et entêtant au synthé servant de prétexte à un solo de batterie monumental de Dany Carrey.

Enfin, arrive « 7empest », la fameuse, les rumeurs annonçaient un monument... Le genre d’expérience (ce n’est plus une simple chanson à ce stade) de presque 16 minutes qui laisse un sourire stupide à la fin de l’écoute. La seule chanson agressive de l’album, basée sur des riffs de guitare qui renvoient clairement à l’époque Undertow sur la première partie, un chant rageur et travaillé dans le ton de “The Pot”, avant de partir en orbite sur des successions d’ambiance sonores fascinantes, de rythmiques insaisissables, terrains de jeu pour Adam Jones durant près de 5 minutes de solo. Performance ascendante époustouflante avant un climax apocalyptique alors que MJK martèle le mantra déjà culte : “A 7empest Must Be Just That”. Passage digne de Meshuggah. Puis trois dernières minutes de bouquet final violent, émotionnel, déluge sonore qui laisse l’auditeur réceptif bouche bée, avec la sensation d’avoir écouté la plus longue, la plus éreintante, la plus dingue, et peut-être aussi la meilleure et dernière chanson que TOOL ait jamais enregistré. Rien que ça.

Beau, étrange, menaçant, exaltant et exigeant : un album de TOOL ne laisse entrevoir ses trésors qu’à l’auditeur réceptif et patient. Après les premières écoutes cependant, la certitude d’avoir retrouvé TOOL et sa musique totale, sensationnelle, épuisante et incomparable. Et la perspective des multitudes d’écoutes ultérieures à la recherche des détails, des sensations, des merveilles à peine entrevues. Les esprits chagrins pourront regretter le manque de rage et de présence du chant, mais il ne faut pas perdre de vue que la musique de TOOL évolue ici dans la lignée de ce que laissait supposer certains morceaux du dernier album avec “Right In Two” notamment. Les morceaux fleuves aux rythmes plus lents et aux instrumentaux massifs, sont parfaitement sublimés par le chant axé sur la délicatesse, distillé avec parcimonie, sans rien perde toutefois de sa grâce et de sa puissance. Si TOOL délaisse quasiment toute violence sur cet opus (pas un hurlement cette fois), il explore cependant de nouvelles directions fascinantes, sur un album cohérent, puissant et qui s’annonce au moins aussi éblouissant que ses prédécesseurs, même si seul le temps le confirmera. « Fear Inoculum » collectionne les ambiances hallucinées, les rythmiques ciselées, les moments de beauté cosmique et des titres comme “Descending” et “7empest” s’assureront à coup sûr une place au sein des meilleures productions du groupe. TOOL est de retour, et son dernier disque est la nouvelle pièce d’un puzzle (la dernière ?) qui marquera le monde du rock.
S.B

TONYB
09/09/2019
  1 0  
4/5
De ce groupe, je ne connaissais strictement rien jusqu'alors. Annoncé depuis un long moment dans toute la contrée progressive, le voilà qui arrive sous MW avec l'étiquette Métal Alternatif. Pas très engageant tout cela.
Pourtant, mes oreilles ont été plutôt agréablement surprises par ce "Fear Inoculum" que pour ma part je classerais dans la rubrique post-rock, avec ces longues plages répétitives aux ambiances envoûtantes. Et l'absence de saillies métalliques n'est pas pour me déplaire !
Reste une oeuvre un tantinet trop longue, un peu trop linéaire.
Un carton rouge toutefois pour la partie business, avec (pour le moment) une distribution physique unique en coffret ... à 80 € pièce ! (soit 1€ la minute de musique !).

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(5) COMMENTAIRE(S)    
 
 
TORPEDO
27/03/2024
  1
Gicé59, suite à ton avis, je te renvoies la question : es tu musicien ? Pour ma part, je t'invite à prendre les partitions de batterie des titres de cet album et à les jouer. Vu qu'on est niveau début conservatoire, ça ne devrait pas être d'une grande difficulté rythmiquement.
CALGEPO
25/09/2019
  0
Il m'en aura fallu du temps pour comprendre et digérer les méandres dans lesquels Tool a essayé de nous perdre. Je partage tout à fait l'avis de Filthin dans le sens où le premier contact avec cet album est d'abord cérébral et moins émotionnel (voire pas du tout). En cause la structure des morceaux dépassant les dix minutes (exit les titres plus rentre dedans tels que Jambi et compagnie) mais aussi leur contenu aux développements relativement assez proches (hormis 7empest). Les morceaux sont d'abord lents à se mettre en place pour finir en une explosion musicale au cours des dernières minutes. Une fois apprivoiser ces structures, il convient de s'y abandonner pour ressentir les émotions recherchées autour de la peur, celle que l'on inculque, celle qui nous rend plus fort ou qui nous enfonce et enfin celle qui nous fait sans doute perdre la tête dans un dernier titre phénoménal où notamment Adam Jones laisse éclater son talent de soliste (enfin). Alors oui l'approche musicale de Tool semble être très chirurgicale, calculée, osons dire peut être froide mais quand bien même, elle fini par faire son office et vous transperce de grandes émotions (du moins c'est mon cas). Un album encore plus introspectif que d'habitude, presque serein. Tool c'est de l'art.
FILTHIN
22/09/2019
 
1
0
Moi il m'a fallu une semaine pour le digérer cet album. Aujourd'hui j'ai beaucoup de plaisir à l'écouter, quant à la première écoute, je ne ressentais pas une once d'émotion ( c'était lors d'une nuit d'insomnie mais bon quand même). Album de l'année où pas, tool a fait naître une nouvelle perle pour moi.
TORPEDO
04/09/2019
  0
Du tools 100% pur jus. Techniquement, c'est monstrueux. Mais il faut s'accrocher pour ne pas se perdre dans les méandres de compositions sombres et alambiquées. Une musique plus intellectuelle qu'émotionnelle.
PROGRACER
02/09/2019
  0
C'est la faiblesse de la concurrence qui en fera (ou non) l'album de l'année. S'il est excellent, il me manque certains éléments pour en faire un chef d'œuvre. Je les expose dans l'avis à paraitre dans la section ad hoc.
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LECTEURS:
4.2/5 (14 avis)
STAFF:
3.8/5 (13 avis)
MA NOTE :
 
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