Mercyless est un nom qui évoque une époque que les moins de vingt ans n'ont pas connu, celle qui a vu, au début des années 90, la prolifération du death metal. Le manche braqué vers la Floride, véritable épicentre du phénomène, Loudblast, No Return et le sujet de cette chronique forment alors un triumvirat dont les premiers méfaits contribuèrent à l'édification d'un genre qui ne tardera pas à muter. Cette évolution vers un art plus technique, souvent plus froid, toujours plus noir que ces trois groupes épouseront à leur façon, conduira, au mal aimé "C.O.L.D." puis au décrié "Sure To Be Pure", opus plus thrash que death dont l'échec tant artistique que commercial poussera Mercyless dans la tombe en 2001.
Malgré cette trajectoire décevante, son retour, dix ans plus tard, est accueilli avec une excitation non feinte par tous les vieux cons que nous sommes, la mémoire marquée à tout jamais par les matriciels "Abject Offerings" et "Coloured Funeral". Ni opération nostalgique ni entreprise novatrice, cette résurrection, scellée par "Unholy Black Splendor", témoigne que le chanteur et guitariste Max Otero, flanqué de jeunes loups, à l'exception du fidèle Stéphane Viard, autre membre historique qui l'a depuis quitté, est toujours prêt à en découdre et que sa sève au goût de cendres est loin de vouloir se tarir.
Ce que vient encore confirmer aujourd'hui "Pathetic Divinity", sixième pierre à cet édifice cyclopéen, dressé dans l'éternité opaque d'une nuit sans fin. Passée une courte introduction que hante le crépitement d'un bûcher, l'opus déroule un menu intense dont le maillage serré lui confère une densité bouillonnante. Une fois lancé avec le titre éponyme, le plus long – et un des meilleurs - du lot avec son architecture tortueuse dont l'entame sinistre et mortifère laisse ensuite le champ libre à une violence déchaînée mais néanmoins plombée, l'étau ne se desserre plus.
Loin d'en siphonner la noirceur trempée dans le soufre, les multiples et vertigineuses crevasses qui en meurtrissent la surface implacable sont au contraire comme des plaies béantes dans les profondeurs desquelles s'engouffre toute trace de vie, témoins les 'My Name Is Legion' et 'Left To Rot', pulsations abyssales qui vibrent sous les coups de boutoir d'une force cryptique.
Si le chant de Max Otero, qui n'est pas sans rappeler celui de Martin van Drunen (Asphyx et ex Pestilence), poisse l'album d'une touche old-school, la puissance de feu qui couve dans ses entrailles le rend très moderne, totalement ancré dans son temps, ce que renforce son caractère extrêmement malsain. Il trouve dans la religion qui lui sert de combustible un funeste écho. Quoique émaillé d'éclairs mélodiques ('A Representation Of Darkness'), l'album pulse d'une fièvre qui le rend incisif et direct, à l'image des saillies les plus courtes de l'acabit de 'Liturgiae' ou 'Christianist'.
"Pathetic Divinity" est une manière de leçon, cénotaphe d'un death metal que la mort recouvre de son suaire malsain.