Après l'échec du précédent "Mother Focus", les déserteurs sont légion chez les Néerlandais. David Kemper n'est resté que le temps d'un album, mais plus grave : Jan Akkerman a également jeté l'éponge, refusant l'orientation prise par le précédent opus. Les deux survivants ont alors décidé de recruter un casting éclectique. Le belge Philip Catherine et le hollandais Eelf Albers ont la lourde tâche de remplacer le guitariste mutin, tandis que l'Américain Steve Smith (futur Journey) a pris la place vacante derrière les fûts. Mais le groupe nouvellement formé a eu l'idée d'ajouter à sa formation le chanteur texan P.J. Proby, grand nom de la soul music. Après un précédent ratage, le groupe pouvait-il retrouver le chemin du succès accompagné d'une célébrité de ce calibre ?
Malheureusement, il faut répondre par la négative. P.J. Proby amène son bagage soul et ne se convertit pas au genre. L'écoute de cet album fait songer à l'exercice d'un soliste accompagné d'un groupe de luxe. Si la qualité du chant n'est pas à remettre en cause, elle n'a guère d'accointances avec le style de Focus ('Eddy' risque de désarçonner les fans les plus acharnés), et pour cause, les compositions étaient antérieures à l'arrivée du chanteur ! La musique semble alors reléguée au second plan, à l'image de 'Wingless', plaqué sur le chant (à l'exception d'un solo de guitare qui pourtant devient rapidement aussi ennuyeux que superflu), ou encore 'Tokyo Rose' sur lequel le chanteur est un peu trop bavard au détriment de la mélodie. L'alchimie fonctionne cependant sur 'Brother', grâce à une introduction au piano de grande classe.
Curieusement, l'album met en avant des pièces instrumentales à l'image d'un 'Orion', magnifié cette fois-ci par la guitare, ou par la jam énergique 'Night Flight', où les claviers de tous types rivalisent avec les guitares. Mais c'est avec le nerveux 'Sneezing Bulls' que l'auditeur pourra apprécier le retour de la flûte de Thijs Van Leer, soutenue par la guitare acoustique de Philip Catherine qui s'éloigne de son jeu jazzy. Le plus long morceau, 'Maximum', a le regard porté sur le précédent album, fédérant jazz et funk, sans être pour autant mémorable.
Les fans de P.J. Proby pourraient crier au chef-d'œuvre tandis que ceux du combo se récrieraient de voir le jeu de leur groupe transformé en vulgaire bande sonore. Focus s'est non seulement sabordé en se lançant dans une entreprise vouée à l'échec, mais il a perdu de son originalité en s'effaçant derrière le chanteur, à l'exception de quelques pistes qui permettent d'évaluer l'étendue des dégâts. L'album aurait mérité de s'appeler ''Focus By Proxy'' (Focus Par Procuration).